L’Assemblée nationale a rejeté, lundi 10 février, une nouvelle motion de censure, déposée par La France insoumise (LFI) contre le recours de François Bayrou à l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter sans vote la partie recettes du budget de la Sécurité sociale pour 2025. Contrairement aux trois précédentes, la motion présentée par les « insoumis » ce lundi n’était pas signée par des députés écologistes et communistes. Elle n’a recueilli que 115 voix sur 289 nécessaires, en l’absence du soutien des députés du Rassemblement national et de leurs alliés ciottistes (126), et des soixante-six députés du Parti socialiste (PS).
Face à un Hémicycle fortement clairsemé, François Bayrou a défendu le besoin d’un budget « adopté dans les plus brefs délais ». La vice-présidente LFI de l’Assemblée Nadège Abomangoli ayant appelé à censurer un budget qui « multiplie les trompe-l’œil » et un gouvernement qui « parle et agit comme le Rassemblement national ». Chahuté par les « insoumis », le socialiste Jérôme Guedj a assumé la non-censure et a appelé à « un Grenelle du financement » de la « Sécu », mettant notamment sur la table le financement par « les successions », « le patrimoine » ou encore une « participation des retraités ».
Le premier ministre a engagé juste après un troisième 49.3 depuis la tribune de l’Hémicycle, sur la dernière partie du projet de loi concernant les dépenses pour 2025. LFI a annoncé dans la foulée le dépôt d’une nouvelle motion de censure. « Aujourd’hui, nous présentons une nouvelle motion de censure. Pour protéger nos services publics. Pour les alternants qui vont payer cher ce budget », a notamment écrit sur X la députée « insoumise » Clémence Guetté. La motion devrait être examinée dans la semaine.
Concessions du gouvernement aux socialistes
Une fois adopté à l’Assemblée, le budget de la « Sécu » ira au Sénat, où le gouvernement espère une validation sans modification par la Chambre haute, a priori les 17 et 18 février, qui vaudrait adoption définitive au Parlement et viendrait clore la séquence budgétaire. Le projet de loi, qui avait coûté son poste à Michel Barnier, a depuis fait l’objet de tractations, notamment entre l’exécutif et le PS.
Il prévoyait de contenir la hausse des dépenses de santé à + 2,6 %, pour arriver à 264,2 milliards d’euros. Le gouvernement a promis de réviser cet objectif à + 3,3 %. Une rallonge de plus de 1 milliard pour redonner de l’air aux hôpitaux. L’exécutif a aussi renoncé à une hausse des tickets modérateurs (reste à charge du patient après le remboursement de l’Assurance-maladie), notamment sur les consultations médicales, pour un coût chiffré à 400 millions d’euros.
La censure a par ailleurs eu raison de la désindexation des retraites sur l’inflation, largement combattue dans l’Hémicycle. Après un premier passage au Sénat, le texte prévoyait une nouvelle « journée de solidarité » en faveur du grand âge, soit sept heures annuelles supplémentaires travaillées sans rémunération. Mais le gouvernement y a renoncé.
Le projet initial prévoyait un déficit de 16 milliards d’euros, mais le retard pris depuis la censure, certaines concessions non compensées et la dégradation des prévisions macroéconomiques conduisent le gouvernement à prévoir un déficit autour de 23 milliards d’euros en 2025, un déficit « considérable et en progression », a alerté François Bayrou, évoquant une « tâche immense pour l’avenir ».
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M. Bayrou avait déjà échappé à deux motions de censure, mercredi dernier. Leur échec avait notamment permis l’adoption du budget de l’Etat pour 2025, grâce à la décision des socialistes et de l’extrême droite de ne pas censurer le gouvernement. Une première motion de censure déposée par LFI avait déjà échoué le 16 janvier.
Le PS a en revanche annoncé qu’il déposerait une motion de censure dite « spontanée » – sans lien avec l’adoption d’un texte de loi – contre le gouvernement de François Bayrou pour protester contre les propos du premier ministre évoquant une « submersion » migratoire. Cette procédure est prévue par l’article 49.2 de la Constitution. Cette motion sera examinée le 19 février, a fait savoir lundi le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, sur BFM-TV.