Elle était pour la première fois aux portes de la chancellerie, mais les divergences étaient trop grandes : l’extrême droite autrichienne a renoncé à former un gouvernement avec les conservateurs, mercredi 12 février, mettant fin à plusieurs jours de tensions et d’invectives.
Le chef du Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ), Herbert Kickl, a informé le président du pays, Alexander Van der Bellen, de son échec. « Bien que nous ayons fait des concessions sur de nombreux points (…), les pourparlers n’ont malheureusement pas abouti », écrit-il dans son courrier, « remettant donc le mandat » qui lui avait été confié le 6 janvier. Les négociations avaient débuté il y a un peu plus d’un mois entre le FPÖ, arrivé pour la première fois en tête avec près de 29 % des voix aux législatives de septembre, et le Parti populaire (ÖVP, 26,3 %), à la suite de l’échec des précédentes discussions.
Dans un communiqué, les conservateurs de l’ÖVP ont blâmé « la soif de pouvoir et l’intransigeance » de Herbert Kickl. « Il n’était pas prêt à faire des compromis et à établir un partenariat d’égal à égal, développant des fantasmes de toute-puissance », selon le secrétaire général de l’ÖVP, Alexander Pröll. Fin de la taxe carbone, « asile zéro », attaque des ONG, des médias ou des LGBT +… Le FPÖ n’a pas reculé d’un pouce sur sa volonté de renverser la table, faisant fi d’un système parlementaire basé sur le compromis.
Le revirement de l’ÖVP
Après le coup de tonnerre du scrutin, la droite avait d’abord tenté de former une coalition « tout sauf Kickl » avec la gauche et les libéraux… sans réussir à trouver un compromis. L’ÖVP affaiblie avait alors tendu la main à son ennemi, s’asseyant sur une promesse de campagne. Cependant, les tensions ont rapidement affleuré, Herbert Kickl brusquant cette formation, habituée au pouvoir depuis 1987.
Le FPÖ voulait avoir la main haute sur le ministère de l’intérieur, or les conservateurs, qui leur avaient cédé ce portefeuille à la fin de 2017, sont échaudés par l’expérience : les services de renseignement occidentaux avaient pris leurs distances en raison des liens du parti d’extrême droite avec la Russie. Cela pose de graves « risques pour la sécurité » de l’Autriche, incapable seule de déjouer les projets d’attentat, avait averti l’ÖVP. Il avait donc proposé de confier à Herbert Kickl uniquement les domaines de l’asile et de la migration. Une répartition des tâches « vouée à l’échec », a réagi le FPÖ. Autre problème de taille : la droite réclamait un positionnement clair de la coalition contre la Russie, selon un document confidentiel révélé par les médias.
De nouvelles élections ?
La droite a déjà gouverné deux fois avec le FPÖ en Autriche, mais c’était elle qui occupait alors la chancellerie et représentait le pays à Bruxelles, imposant un ordre du jour proeuropéen. Herbert Kickl a opté, lui, depuis le début des négociations pour une ligne dure. Afin de construire son « Autriche forteresse », il réclamait un retour à la stricte neutralité et la fin de la primauté du droit européen.
Depuis le début des pourparlers, des dizaines de milliers de manifestants se sont rassemblés à plusieurs reprises à Vienne pour défendre les droits fondamentaux. Après l’échec des discussions, de nouvelles élections se profilent, pour lesquelles le FPÖ est désormais crédité de 35 % des intentions de vote. L’ÖVP a chuté à environ 18 % et se trouve maintenant en troisième position, derrière les sociaux-démocrates, dans les sondages d’opinion.
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Un dernier scénario serait que les autres partis réamorcent le dialogue. La gauche et les libéraux ont fait une telle proposition, mardi 11 février, afin d’éviter que les plus longues négociations jamais observées en Autriche depuis l’après-guerre ne débouchent que sur de l’instabilité.