Une icône du nouveau cinéma allemand et de la modernité européenne a traversé cette 75e Berlinale à l’approche des derniers jours. Figure cruciale du théâtre et du cinéma de Rainer Werner Fassbinder, elle aura croisé, au cours d’une riche carrière, la caméra de Jean-Luc Godard, Wim Wenders, Marco Ferreri, Carlos Saura, Andrzej Wajda, Bela Tarr ou Alexandre Sokourov.
Hanna Schygulla, 81 ans, trône, l’ample chevelure blanche contenue par un subtil assemblage de foulards, dans un recoin discret du Berlinale Palast – le vaisseau amiral du festival – gardé par un essaim de publicistes déférents. La chaise laissée vide en face d’elle n’attend plus que nous, comme le regard bleu perçant avec lequel l’actrice native de Haute-Silésie vous harponne pour ne plus vous lâcher. « Vous avez des questions ? », prend-elle d’emblée l’initiative par la douceur même de sa voix flûtée.
Yunan, sans doute le film allemand le plus marquant en compétition, lui offre le rôle de Valeska, tenancière d’une maison d’hôtes sur une île perdue de la mer du Nord, qui accueille Munir, un écrivain au bout du rouleau échoué là dans le but de se suicider. Dans ce second long-métrage, Ameer Fakher Eldin, né à Kiev de parents syriens, la filme dans les espaces nus de cette terre reculée, en possible mère de substitution pour son héros désespéré, rongé par l’exil. « J’ai senti que le réalisateur était quelqu’un d’intéressant, raconte la comédienne. Il tenait à sonder un état de crise intérieure, de mal-être, par le travail sur la lenteur des plans et la traversée du paysage. Je m’inquiétais de ne pas vraiment correspondre au type très terre à terre de la femme du Nord, mais Ameer aborde les choses sous un angle minimal qui se passe très bien de justifications. »
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