TCM CINÉMA – SAMEDI 22 FÉVRIER À 22 H 35 – FILM
Avec la sortie américaine de l’opéra rock Phantom of the Paradise, le 31 octobre 1974, deux mois après la démission de Richard Nixon à la suite de son implication dans le scandale du Watergate, Brian De Palma mit un terme à la première partie de sa carrière. Le réalisateur avait, en huit films, mieux que personne collé aux soubresauts d’une décennie, de l’assassinat de Kennedy à l’élection de Nixon, en passant par l’engagement américain au Vietnam.
Phantom of the Paradise, sa seule comédie musicale, est l’histoire d’une désillusion. Celle de Brian De Palma, alors âgé de 34 ans. En filmant ce qu’il considère comme la dégénérescence du rock à la fin des années 1960, le cinéaste décrit la soumission d’une musique contestataire aux multinationales du disque. C’est d’ailleurs en reconnaissant, dans un grand magasin, une reprise de Yesterday, des Beatles, en « muzak » (une musique aseptisée, telle qu’on en entend dans les ascenseurs) que De Palma a eu l’idée de l’intrigue de son opéra rock.
Personnage inspiré de Phil Spector
Winslow (William Finley), un jeune compositeur de grand talent, mais ne possédant pas le physique de star correspondant aux canons de l’industrie musicale, se fait voler et dénaturer ses morceaux de musique à des fins commerciales par un producteur de renom, Swan (Paul Williams, également compositeur de la bande originale du film). Le réalisateur mêle les histoires du Fantôme de l’Opéra (Gaston Leroux, 1910), le mythe de Faust et le Portrait de Dorian Gray (Oscar Wilde, 1890).
Avec une énergie et une mélancolie impressionnantes, le jeune réalisateur déploie son pessimisme tout en affichant un insolent plaisir à filmer son histoire. Le personnage de Swan, producteur de musique emblématique de la folie d’une époque, est inspiré du producteur Phil Spector, « ce petit Napoléon assoiffé de pouvoir » comme De Palma le qualifie lui-même. Un cousin improbable du personnage de Citizen Kane d’Orson Welles − à la fois référence pour les cinéastes du Nouvel Hollywood, et leur concurrent quasi indépassable.
Une scène est particulièrement frappante. Lorsque le héros entend sa voix détruite et recomposée par les manipulations électroniques savantes de Swan, on ne peut que penser au timbre de Dark Vador, à la fois vivace et à bout de souffle, dans La Guerre des étoiles, le film que George Lucas réalisera trois ans après.
Si Phantom of The Paradise ne trouve pas son public à sa sortie, sauf en France − et, curieusement, dans la ville de Winnipeg au Canada −, son héritage est multiple. Daft Punk en a fait l’une de ses inspirations : le casque du duo sans visage est emprunté à celui de Winslow dans le film de De Palma.
Phantom of the Paradise, de Brian De Palma (EU, 1974, 92 min). Avec Paul Williams, William Finley, Jessica Harper.