A la télévision et dans les magazines de faits divers, le docteur Joël Le Scouarnec aimait suivre les histoires d’hommes qui lui ressemblaient : les pédophiles. Il se reconnaissait en eux, fier d’être différent. A un détail près : lui ne se ferait jamais attraper. Ça n’arrivait qu’aux autres, il se sentait intouchable. Pendant toute sa carrière, aucun personnel soignant ne l’avait jamais surpris sur le fait, aucune plainte n’avait été déposée par un petit patient ou ses parents. D’une manière redoutable, le chirurgien avait inventé le crime sexuel parfait.
Finalement arrêté en 2017, à quelques mois de sa retraite, Joël Le Scouarnec, 74 ans, va être jugé pour viols ou agressions sexuelles aggravés de 299 victimes présumées, qu’il a reconnus pour la plupart. Age moyen de ces dernières : 11 ans à l’époque des faits. Mais si le médecin comparaîtra seul dans le box, les défaillances des institutions françaises dans la protection de l’enfance devraient envahir les débats.
C’est à Vannes, ville où se tiendra son procès devant la cour criminelle du Morbihan à partir de lundi 24 février, que la grande majorité des faits auraient eu lieu. Aujourd’hui disparue, la clinique du Sacré-Cœur était un petit établissement privé tenu par des religieuses quand Joël Le Scouarnec y a été recruté en 1994. A cette époque, le secteur de la santé s’enfonce déjà dans la misère, avec ses restructurations féroces et ses pénuries de recrutements. L’arrivée d’un chirurgien digestif de 44 ans, ancien interne des hôpitaux de Nantes, une femme et trois enfants, ressemble alors à une aubaine.
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