Un parallèle révulsant. D’un côté, un milliardaire, Elon Musk, jamais élu se vantant d’avoir « jeté l’Usaid dans le broyeur à bois » au lieu de se rendre à « des fêtes géniales » ; une attachée de presse de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, assénant que l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (Usaid) financerait un opéra transgenre en Colombie ou la promotion de la diversité, l’égalité et l’inclusion (« DEI », le nouvel étendard anti-woke) dans les bureaux serbes ; un président des Etats-Unis clamant que le Hamas aurait reçu de l’Usaid 100 millions de dollars (95 millions d’euros) en préservatifs.
De l’autre, des files d’enfants affamés au Soudan qui attendent en vain leur ration de Plumpy’Nut, une pâte d’arachide ultrariche devenue essentielle pour lutter contre la sous-nutrition ; des centaines de bébés qui, faute de traitement antiviral, naissent avec le sida à Haïti, en Zambie ou au Mozambique et qui, pour un tiers d’entre d’eux, ne fêteront jamais leur premier anniversaire ; des migrants sud-américains LGBTQ+ persécutés qui voient leur refuge associatif fermer ses portes au Mexique, avec la rue comme seul horizon. Ou comment un effet papillon dantesque a mué un scandale d’Etat en drame mondial immédiat.
Début février, sous l’impulsion du département de l’efficacité gouvernementale d’Elon Musk, l’administration Trump a décidé la suspension pour quatre-vingt-dix jours de l’activité de l’Usaid – arrêtant net tous les programmes du premier pourvoyeur d’aide humanitaire mondiale. L’Usaid, dont le budget était de 44 milliards de dollars en 2024, apporte nourriture, eau et soins aux victimes des catastrophes naturelles et de malnutrition ; elle lutte contre le paludisme, Ebola ou la grippe aviaire dans des dizaines de pays ; elle garantit l’accès à l’eau potable ou porte des initiatives de développement agricole et économique.
42 % de l’aide humanitaire mondiale
Au Soudan du Sud, son action représente 7 % du produit intérieur brut. Depuis 2000, l’agence estime avoir sauvé 11,7 millions de vies et prévenu 2,1 milliards de cas de paludisme. Mais, pour Elon Musk, il s’agit d’un « nid de vipères de radicaux marxistes qui détestent l’Amérique » – une opinion justifiant de fermer le site Internet de l’agence, empêchant le public d’accéder aux programmes financés. Au-delà du scandale démocratique, dans leur hubris libertaro-viriliste, mêlant mensonge, violence et intolérance, les plus riches jouent ainsi avec la vie de millions des plus pauvres et démunis de la planète.
Il vous reste 52.16% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.