[Le 28 mars 1986, les policiers lyonnais interpellent deux hommes et une adolescente installés à bord d’une Renault 9. L’opération aboutira au démantèlement d’un groupe armé qui a vécu plus de cinq ans dans la clandestinité totale, période pendant laquelle il est à l’origine de 30 attentats en France, ainsi que d’une trentaine de braquages, dont trois mortels.]
Le conducteur est extrait sans ménagement, plaqué au sol, menotté. Il est habillé d’un gilet pare-balles et dispose de deux pistolets à la ceinture. Costaud, bourru, il se nomme Bernard Blanc, inconnu des services de renseignement. Les policiers ouvrent la porte arrière, et découvrent un autre individu, caché sous l’adolescente et la couverture. Lui aussi a revêtu un gilet pare-balles. Un pistolet-mitrailleur calibre 9 mm est posé à ses côtés, prêt à l’emploi. « S’il n’y avait pas eu ma fille, je vous tirais dessus, je rafalais », se vante-t-il, en joignant le geste à la parole.
Les policiers le reconnaissent. Cheveux bruns, barbe poivre et sel et larges lunettes, c’est lui. Ce vendredi 28 mars 1986, les policiers des renseignements généraux [RG] viennent d’interpeller André Olivier, 41 ans, suspecté d’activités subversives. Les policiers ignorent encore l’importance du rôle de cet ex-prof de français dans la genèse d’Action directe. Ils l’avaient surveillé un temps à Paris, alors qu’il frayait avec les mouvances anticapitalistes les plus radicales. Ils en avaient totalement perdu le souci. C’était il y a près de six ans. Son nom est revenu dans la liste des suspects, lorsque les attentats revendiqués par Action directe ont recommencé fin 1985 en région parisienne. Quatre bombes ont endommagé des locaux commerciaux en relation avec l’Afrique du Sud, pays visé pour son régime raciste d’apartheid. En octobre, les explosions ont touché des institutions médiatiques : la Maison de la radio, le siège d’Antenne 2, puis les bureaux de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle. Les revendications empruntaient au discours anticapitaliste, et dénonçaient la complaisance des médias à l’égard de Jean-Marie Le Pen, le leader de l’extrême droite. Pour Serge Savoie, spécialiste de l’ultragauche au sein des renseignements généraux, cette campagne de bombes artisanales ne correspondait pas à l’évolution récente d’Action directe.
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