Elle fait partie de ces artistes dont on découvre la force et la singularité de l’œuvre quand ils – et le plus souvent elles – ont disparu. Pénétrer dans l’exposition de Nicola L. au Fonds régional d’art contemporain (FRAC) Bretagne, à Rennes, fait presque sursauter tant, d’un regard, on saisit que l’on a affaire à un travail aussi séduisant et solaire qu’inquiet, voire angoissant, sous des surfaces brillantes ou duveteuses. On glisse dans son univers comme l’artiste glissait son corps dans des toiles représentant le Soleil, la Lune, les nuages ou l’herbe. L’artiste française, passée par l’Ecole des beaux-arts de Paris dans les années 1950, s’était heurtée, en peinture anatomique, aux limites de la toile, jusqu’à trouver son chemin dans la toile elle-même : en la pénétrant, c’est-à-dire en y entrant physiquement, la transformant en une combinaison à taille humaine pour incarner couleurs, matières ou éléments.
Le corps est toujours resté au cœur du travail de Nicola L., née en 1937 (ou en 1932) à Mazagan (El Jadida), au Maroc, et morte à Los Angeles en 2018. Partout, il apparaît morcelé dans un univers paradoxalement accueillant : au sol, de larges pieds en vinyle – noir, blanc, vert, brun – sont autant de minicanapés ; des corps nus, tout aussi mous et confortables, se présentent façon sculptures-puzzles, tandis que des yeux-lampes éclairent l’espace. Le corps se fait meuble ou objet, comme des Femme-télévision le proclament sur l’écran positionné au creux de leur position de yogi : « Je suis la dernière femme-objet. Vous pouvez prendre mes lèvres, toucher mes seins, caresser mon ventre, mon sexe. Mais je le répète : c’est la dernière fois. »
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