Dans Le Complot contre l’Amérique, Philip Roth imagine qu’à l’élection présidentielle de 1940 les Américains envoient à la Maison Blanche non pas Franklin D. Roosevelt, mais Charles Lindbergh, aviateur adulé mais isolationniste, raciste et antisémite notoire. Tout en affirmant avoir écrit « sur le cauchemar auquel l’Amérique avait échappé à l’époque », l’écrivain américain admettait, en 2006, dans Le Monde, lors de la parution du livre en France, que « même [les Américains], libres citoyens d’une République puissante et armée jusqu’aux dents, [peuvent] tomber dans l’embuscade de cet imprévisible qu’est l’histoire ». Porté par le courant opposé à la guerre en Europe, le président Lindbergh de son roman s’empresse de signer un pacte de non-agression avec Hitler.
Le 24 février, à l’Assemblée générale des Nations unies, les Etats-Unis ont uni leur voix à celle de la Russie de Vladimir Poutine pour s’opposer à une résolution qualifiant Moscou d’agresseur dans le conflit en Ukraine.
Quelques jours auparavant, Donald Trump s’était chaleureusement entretenu au téléphone avec son homologue russe recherché pour crimes de guerre, avant que son vice-président, J. D. Vance, lors la Conférence de Munich sur la sécurité, acte la rupture de l’alliance avec les Européens scellée en 1945 dans la victoire contre le nazisme. « Un discours fasciste et anti-européen », commentait dans Le Monde un diplomate présent. Quelques semaines de la présidence Trump ont suffi pour donner au cauchemar de l’Amérique virant au fascisme un amer parfum d’actualité.
Fasciste. Le mot, trop souvent dévoyé pour disqualifier toute argumentation – le « point Godwin » –, n’est en réalité pas nouveau pour qualifier Donald Trump. Robert Paxton, l’historien américain du nazisme, s’est résolu à l’utiliser en octobre 2024. Tout comme John Kelly, son ancien chef de cabinet à la Maison Blanche, qui, peu avant l’élection du 5 novembre 2024, prévoyait un exercice « dictatorial » du pouvoir en cas de victoire.
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