Fritures indonésiennes, saucissons de cerf de la brousse, produits de la mer venus des côtes de la Grande-Terre jusqu’à Nouméa : ce 1er mars, le marché du samedi est bel et bien de retour après neuf mois d’arrêt, sous la halle de Dumbéa, la deuxième commune de Nouvelle-Calédonie.
Résidente du quartier, Aude (les personnes citées par leur seul prénom ont souhaité rester anonymes), mère de famille kanak de 41 ans originaire de la tribu de Petit-Couli, à La Foa, vient d’acheter deux poissons. « C’est un très grand plaisir, que nous nous permettons », sourit-elle aux côtés de son fils collégien. Un plaisir inespéré, « car nous avons touché le fond, il y a quelques mois ».
Le 13 mai 2024, Dumbéa s’embrase. L’insurrection indépendantiste éclate ici sur son principal terrain. La ville, située de part et d’autre de la RT1, le grand axe qui part de Nouméa vers le nord, va voir toutes ses infrastructures attaquées, ses grands centres commerciaux incendiés, ses quartiers totalement isolés par des barrages indépendantistes. Aude, enfermée dans son appartement, manquera de tout. Un paquet de riz pour quatre jours au mieux. La faim. Et la peur. « Nous, les Kanak de la ville, nos familles nous ont délaissés. Chez nous aussi l’individualisme est devenu le plus fort », regrette-t-elle. « Heureusement que je n’ai pas perdu l’âme de la tribu, qui permet de se débrouiller avec ce qu’on trouve sous la main. On a passé cette épreuve », se réjouit-elle en poursuivant ses courses.
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