La bataille du véhicule électrique « n’est pas perdue », mais l’industrie automobile européenne est « en danger de mort », a averti Stéphane Séjourné, vice-président de la Commission, dans un entretien à l’Agence France-Presse, mercredi 5 mars. L’ancien ministre des affaires étrangères français a détaillé dans cette interview les pistes de l’exécutif bruxellois pour relancer un secteur en crise.
Quotas minimums de véhicules électriques dans les flottes d’entreprises, soutien à l’innovation, obligation d’inclure des composants européens dans les voitures vendues sur le continent… « La Commission européenne sort de sa naïveté, protège et organise la filière, lui donne la possibilité de gagner en compétitivité », souligne Stéphane Séjourné, alors que les fermetures de sites se multiplient dans un secteur qui emploie 13 millions de personnes en Europe.
Affaiblis par un marché en berne, des constructeurs comme Volkswagen ou Stellantis affrontent l’arrivée de concurrents chinois massivement subventionnés, au moment même où ils consentent d’énormes investissements dans l’électrification des véhicules pour respecter l’interdiction des motorisations essence et diesel dans l’UE à partir de 2035. La menace de surtaxes américaines brandie par Donald Trump arrive, en outre, au pire moment.
Promouvoir le « made in Europe »
Les voitures électriques, encore trop chères, ont vu leur part de marché reculer dans l’UE pour la première fois en 2024, à 13,6 % sur l’année. Afin de « booster la demande », la Commission étudie « des obligations » imposées aux entreprises pour « verdir » leurs flottes, explique le commissaire européen, qui doit se rendre à l’usine Renault de Douai, dans le Nord. Des quotas de véhicules électriques leur seraient imposés, en vertu d’un texte qui doit être présenté d’ici à la fin de l’année.
Ces achats seraient aussi facilités par des « incitations fiscales » harmonisées à l’échelle de l’UE qui seront proposées aux Etats membres. Les véhicules d’entreprises représentent près de 60 % des nouvelles immatriculations en Europe.
« Je veux que les consommateurs européens puissent acheter des véhicules européens », affirme Stéphane Séjourné. Le plan, présenté à Bruxelles à la mi-journée par le commissaire aux Transports, Apostolos Tzitzikostas, prévoit des « exigences de contenus européens pour les cellules de batterie et certains composants des véhicules électriques vendus dans l’UE », afin d’aider les sous-traitants.
« On est en train de travailler à la liste » des composants concernés, explique Stéphane Séjourné, qui évoque « un choc d’offres » en complément des efforts pour relancer la demande. « Tous les pays le font aujourd’hui, que ce soit les Etats-Unis, la Chine, l’Inde. Il n’y a que l’Europe qui n’a pas mis en place ces dispositifs », affirme-t-il.
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La Commission va par ailleurs explorer la piste des subventions directes à la fabrication de batteries dans l’UE et veut assouplir le cadre des aides d’Etat qui limite aujourd’hui ce type de soutien.
Assouplir l’application des normes d’émissions
L’objectif de vendre uniquement des véhicules neufs à zéro émission de CO2 à partir de 2035 « est maintenu mais avec des flexibilités », afin de ne pas pénaliser certains constructeurs en retard en leur infligeant les lourdes amendes prévues par la réglementation, explique le vice-président de l’exécutif européen. « C’est du bon sens. On n’allait pas pénaliser les constructeurs qu’on souhaitait aider. » L’assouplissement consistera à prendre en compte les émissions sur trois ans, de 2025 à 2027, au lieu d’une seule année, ce qui revient à accorder un délai supplémentaire pour augmenter les ventes de véhicules électriques.
Les infrastructures de recharge des véhicules électriques restent insuffisantes en Europe et très inégalement réparties, ce qui constitue un frein à l’achat, dénoncé de longue date par la filière automobile. La Commission veut « accélérer le déploiement des bornes de recharge » et va mobiliser 570 millions d’euros à cet effet entre 2025 et 2026.
La Commission va mettre en place et soutenir une alliance pour les véhicules connectés et autonomes afin de combler le retard dans les logiciels et technologies-clés aujourd’hui dominés par la Chine et les Etats-Unis. L’industrie européenne pourra ainsi mutualiser des ressources dans ces domaines où les économies d’échelle sont cruciales, sans être freinée par les règles de concurrence. Stéphane Séjourné veut par ailleurs « harmoniser les règles d’utilisation et de tests de la voiture autonome en Europe », afin de faciliter leur déploiement sur les routes.