Les États-Unis pressent l’Ukraine et la Russie de parvenir rapidement à un cessez-le-feu.
Mais Volodymyr Zelensky et ses alliés européens répètent que celui-ci n’aboutira à rien s’il n’est pas accompagné de sérieuses garanties de sécurité.
« Nous avons l’expérience du passé », a argumenté Emmanuel Macron mercredi soir, évoquant la signature d’accords à Minsk il y a dix ans, jamais respectés.
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Un cessez-le-feu entre la Russie et l’Ukraine. Sur le principe, tout le monde est d’accord pour y parvenir. Mais comment ? « Nous avons l’expérience du passé », a prévenu Emmanuel Macron mercredi soir dans son allocution aux Français. « Nous ne pouvons pas oublier que la Russie a commencé à envahir l’Ukraine dès 2014 et que nous avons négocié un cessez-le-feu à Minsk, et la même Russie n’a pas respecté ce cessez-le-feu », a-t-il expliqué, en référence à des accords signés à Minsk (Biélorussie) datant de 2014 et 2015.
C’est d’ailleurs ce que ne cesse de répéter le président ukrainien Volodymyr Zelensky, poussé par Donald Trump à accepter un cessez-le-feu à tout prix. « Ce sera un échec pour tout le monde si l’Ukraine est forcée à un cessez-le-feu sans de sérieuses garanties de sécurité », a-t-il déclaré devant la presse à Londres dans la nuit de dimanche à lundi, alors que les États-Unis refusent de fournir ces garanties de sécurité. « Imaginons que, dans une semaine (après une potentielle trêve), les Russes recommencent à nous tuer et que nous ripostions, ce qui serait totalement compréhensible. Qu’est-ce qui se passera ? », a-t-il poursuivi, évoquant le cessez-le-feu en vigueur dans l’est de l’Ukraine entre 2015 et l’invasion russe de février 2022. « Les Russes diront la même chose qu’il y a 10 ans, que ce sont les Ukrainiens qui ont violé le cessez-le-feu », a-t-il affirmé.
Deux accords signés en 2014 et 2015…
Quel est cet accord de cessez-le-feu évoqué par le président ukrainien et Emmanuel Macron ? Après l’annexion de la Crimée et l’invasion du Donbass en 2014, Vladimir Poutine et le président ukrainien de l’époque Petro Porochenko avaient conclu quelques mois plus tard une trêve pour mettre fin aux combats à l’est de l’Ukraine. Dans un premier temps, avait été signé le « protocole de Minsk », le 5 septembre 2014. Pas respecté par la Russie, il avait été renforcé par les « accords de Minsk » début 2015, chapeauté par la France et l’Allemagne.
Les accords prévoyaient notamment un cessez-le-feu, l’échange de prisonniers, le retrait de troupes et matériel militaires, l’amnistie ukrainienne des participants au conflit, la reconnaissance par l’Ukraine d’une autonomie de fait du Donbass, l’organisation d’élections. La Russie devait aussi permettre à l’Ukraine de reprendre la main sur le contrôle de sa frontière.
…et jamais respectés
Mais aucune disposition n’a été intégralement appliquée ; le cessez-le-feu n’a jamais été respecté et les armes lourdes n’ont jamais disparu du terrain. Pour ne pas appliquer les dispositions des accords – pas assez précis dans leur rédaction, notamment sur un calendrier – chaque camp se retranchait derrière ses priorités : l’application des mesures politiques pour la Russie, la garantie de sécurité sur son territoire pour l’Ukraine.
« La Russie s’est mise à presser l’Ukraine de s’acquitter intégralement de la partie politique de l’Accord, exigeant qu’elle apporte des amendements à sa Constitution et organise des élections dans les territoires ukrainiens occupés avant d’avoir pu rétablir son contrôle sur sa frontière et avant que le cessez-le-feu ne soit effectif », écrit la Fondation Jean Jaurès dans une note sur les Accords de Minsk (nouvelle fenêtre). Elle poursuit : « Cependant, l’Ukraine a trouvé des arguments pour refuser d’organiser des élections et de les reconnaître dans les territoires disputés. Selon les dirigeants ukrainiens, il faut d’abord mettre fin aux hostilités, proclamer un cessez-le-feu général, retirer le matériel militaire et libérer le Donbass des troupes russes. La Russie soutient que son armée n’est pas dans le Donbass et que ceux qui s’y trouvent sont des volontaires, qui font partie des ‘unités de police’ locales conformes aux dispositions des Accords. »
Un cessez-le-feu d’abord dans les airs et sur la mer comme solution ?
Des politologues spécialistes du conflit font remarquer que mêmes des accords plus précis n’auraient pas forcément conduit au succès, en raison des intérêts profonds des deux camps. « La Russie et les séparatistes n’étaient pas certains que leurs intérêts seraient protégés si les armes et les troupes étaient retirées, et les responsables ukrainiens, soucieux de leur cote de popularité, n’étaient pas certains de rester au pouvoir si les dispositions politiques de l’Accord étaient appliquées », lit-on dans la note de la Fondation Jean Jaurès.
Aussi, dimanche dernier à Londres, la France et le Royaume-Uni ont proposé dans un premier temps une trêve d’un mois en Ukraine « dans les airs, sur les mers et les infrastructures énergétiques ». Une cessation des hostilités qui ne concernerait donc pas les combats au sol, pour tenter d’éviter de reproduire les mêmes erreurs. Car « en cas de cessez-le-feu, il serait très difficile de vérifier que le front est respecté », a expliqué Emmanuel Macron. L’avantage d’une trêve telle que souhaitée par le couple franco-britannique, c’est qu’« on sait la mesurer » alors que le front est immense, « l’équivalent de la ligne Paris-Budapest », a-t-il ajouté.