Dans la préface du catalogue de l’exposition « Corps et âmes », qui présente à la Bourse de commerce, sous le commissariat d’Emma Lavigne, environ 125 œuvres (peintures, sculptures, dessins, photos et vidéos) d’une quarantaine d’artistes – dont une forte proportion d’Afro-Américains – de sa collection, François Pinault émet le souhait « que les visiteurs puissent connaître les mêmes émotions que celles qu’[il a] ressenties au contact de ces œuvres ». Emotions, le mot n’est plus si fréquent dans le langage para-artistique, et spécialement lorsqu’il touche à la production contemporaine. Il était pourtant d’usage courant jadis, surtout depuis une conférence donnée en 1668 par Charles Le Brun devant l’Académie royale de peinture et de sculpture, sur l’expression des passions que peut refléter un visage.
On en a une démonstration ici, mais dans un contexte plus politique : ces corps posent bien d’autres questions que celles soulevées par Le Brun, et s’il peut s’agir de « mélancolie », de « colère », de « frayeur » parfois, plus que de « rire » ou de « joie », qui sont parmi les vingt-trois passions humaines répertoriées par l’académicien, c’est qu’ils s’inscrivent pour bon nombre d’œuvres dans un contexte historique précis – celui de la lutte pour les droits civiques des Noirs américains –, ou plus largement de la colonisation, de l’esclavage, du racisme. D’autres sont plus intimes, qui traitent du vieillissement du corps, le sien dans le cas de Georg Baselitz dont les huit tableaux monumentaux de la série « Avignon », exposés pour la première fois à la Biennale de Venise de 2015, sont montrés de nouveau ici, ou celui d’un proche, comme le père de Miriam Cahn auquel elle a consacré un vaste ensemble.
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