La saillie de Claude Malhuret contre Donald Trump et Elon Musk, le 4 mars au Sénat, est devenue virale dans le monde entier.
Si à cette occasion, la notoriété du sénateur Horizons a traversé les frontières, il a déjà eu l’occasion de se faire remarquer en France pour ses prises de parole toujours assorties de formules choc, de grandes envolées ou de confessions.
Sur YouTube et sur les réseaux sociaux, les vidéos de ses discours cumulent des millions de vues.
Suivez la couverture complète
Le second mandat de Donald Trump
Impossible d’être passé à côté. Ces derniers jours, partout dans le monde, les internautes partagent sur les réseaux sociaux les huit minutes du discours prononcé par Claude Malhuret au Sénat il y a une semaine dans le cadre d’un débat sur l’Ukraine et la sécurité en Europe ; et les médias – notamment américains – saluent le sens de la formule de ce « french senator » qui a osé dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas.
À la tribune du palais du Luxembourg le 4 mars, le président du groupe Les Indépendants (Horizons) a dépeint Donald Trump en « empereur incendiaire » et Elon Musk en « bouffon sous kétamine » à la « cour de Néron ». « Le message de Trump est que rien ne sert d’être son allié puisqu’il ne vous défendra pas, qu’il vous imposera plus de droits de douane qu’à ses ennemis et vous menacera de s’emparer de vos territoires tout en soutenant les dictatures qui vous envahissent », poursuivait-il.
Un discours qui, selon l’élu de l’Allier, a fait mouche en raison du silence des opposants de Donald Trump. « Je pense que les Américains, aujourd’hui ont l’impression que leurs politiques ne savent pas répondre à Trump », a expliqué l’ancien médecin à l’AFP. « Beaucoup des messages que j’ai reçus disaient ‘Pourquoi faut-il que ce soit un homme politique français qui dise ça alors que personne ne le dit chez nous ?’. »
En mars 2024, standing ovation au Congrès réuni à Versailles
Claude Malhuret le sait, ses « discours ont un impact en France depuis quelque temps ». En effet, les personnes qui suivent de près la politique et sont sur les réseaux sociaux connaissent déjà le sénateur, proche d’Edouard Philippe. Ce n’est pas la première fois que ses prises de parole trouvent un écho particulier en France. Le dernier de ses discours à avoir été très partagé remonte au mois de mars dernier. Il s’agissait de son intervention devant le Congrès réuni à Versailles pour inscrire l’IVG dans la Constitution, qui lui avait valu une standing ovation de l’ensemble des parlementaires français présents.
« Je ne vais pas vous parler aujourd’hui de droit constitutionnel. Je vais vous raconter une histoire, une histoire que je n’ai jamais racontée », disait-il en introduction, avant de dérouler un récit poignant survenu il y a des dizaines d’années alors qu’il était médecin au sein d’un « petit hôpital dans un coin perdu d’un pays du sud » : une adolescente débarque dans son bureau, « joues rouges inondées de larmes » et il est sommé par les gendarmes qui l’accompagnent de déterminer si elle vient ou non d’accoucher, relate-t-il. « J’étais pétrifié. Il s’agissait d’un infanticide bien sûr et la loi me commandait de m’exécuter », racontait le sénateur. « Je savais aussi pourquoi cette jeune fille était là. Dans un pays comme tant d’autres où être fille-mère signifiait bannissement social et déshonneur », un pays, bien sûr, « où l’avortement était interdit et sévèrement puni ».
« Des histoire comme celles-là, je pourrais vous en raconter d’autres si nous en avions le temps », terminait l’ancien président de Médecins sans frontières, avant d’indiquer qu’il allait voter en faveur de l’inscription de l’IVG dans la Constitution, « en espérant que (son) vote soit utile aux millions de femmes que la loi protège en France, mais aussi aux millions de celles dans le monde qu’aucune loi ne protège ». « Je reverrai le visage de cette jeune femme dont la vie et celle de son bébé ont été anéanties lorsque j’irai voter. »
En 2023, il rebaptise Mélenchon en « général Tapioca du Vieux-Port »
Auparavant, l’ex-maire de Vichy était connu pour ses charges contre les populistes, les Gilets jaunes ou encore les complotistes. En 2023, il remportait un prix « Humour et politique » du Press club de France pour cette saillie sur la Nupes, l’alliance de gauche : « Elle était en soins palliatifs depuis juin, elle en est aujourd’hui au stade du prélèvement d’organes. » Sur YouTube, parmi les vidéos le concernant les plus regardées figurent celles où il qualifie, en 2022, Jean-Luc Mélenchon de « général Tapioca du Vieux-Port » ou « sous-commandant Marcos de la Canebière », et Marine Le Pen d’« héritière du château de Montretout ».
En septembre 2021, c’est un discours contre les complotistes antivax qui avait été très largement partagé. Alors que la situation sanitaire dans les Outre-mer, où la population était très peu vaccinée, était critique, il déclarait : « S’il fallait une preuve de ce que les scientifiques répètent depuis des mois, que le vaccin pour tous est la seule chance de vaincre le virus, nous l’avons sous les yeux de la manière la plus éclatante et la plus triste qui soit. » « Cette preuve vient accabler, démasquer et dénoncer ceux qui depuis des mois tentent de discréditer le vaccin, d’effrayer les Français et de répandre leurs bobards sur des réseaux anti-sociaux devenus le fort Chabrol des agités du bocal », poursuivait-il. Il pointait du doigt les « politiciens des deux extrêmes dont les sermons vaccino-sceptiques ne sont que le moyen d’atteindre l’objectif qui les obsède : foutre en l’air le système. Alors que les résistants d’opérette s’exprimaient dans les rues avec leurs pieds, tous les autres Français se sont exprimés avec leur cervelle en se faisant vacciner ».
Des formules qui lui viennent « comme ça »
Ces prises de parole remarquées ont déjà valu de nombreux articles de presse au co-fondateur du site Doctissimo. En juin 2020, après des interventions sur le plan de déconfinement ou la réforme du système de santé, dans lesquelles il taclait notamment « le professeur Mélenchon, de la faculté de médecine de La Havane », Le Figaro publie un papier titré « Claude Malhuret, nouvelle star ». En mars 2022, Libération lui consacre sa « der » et écrit dans ce portrait qu« à la tribune du palais du Luxembourg », celui qui s’est « spécialisé dans le stand-up antipopuliste » « régale son monde » « quand il étrille populistes et fourche Gilets jaunes, antivax ou poutinophiles ». La presse étrangère est intriguée également. Le Temps, quotidien suisse, le qualifie de « franc-tireur du Sénat français » dans un article daté de juin 2020.
Alors, Claude Malhuret a-t-il une recette imparable pour se faire remarquer à la tribune du Sénat, qu’il fréquente depuis 2014 ? « Les formules, cela me vient comme ça », assure-t-il auprès de l’AFP. « Quand vous écrivez un discours, vous réfléchissez, vous le construisez, vous le mettez en forme. Un discours qui passe sur les réseaux sociaux, on en garde généralement trente secondes. Il faut l’accompagner de formules. Vous êtes en compétition pour l’écoute, pour l’attention des gens. » Le comble ? Le sénateur n’y est pour rien dans la viralité de ses discours malgré ses plus de 53.000 abonnés sur X, puisqu’il n’a jamais rien publié lui-même sur le réseau social du « bouffon sous kétamine » Elon Musk.