Bien que non contraignante, la résolution sur le renforcement du soutien à l’Ukraine, adoptée mercredi 12 mars à l’Assemblée nationale, a donné lieu à des débats engagés dans l’Hémicycle, notamment concernant la question de la saisie des avoirs russes gelés.
Le texte global a été adopté avec 288 voix pour, et 54 contre, avec le soutien notamment des députés macronistes, socialistes, écologistes, et des partis de droite Les Républicains et Horizons. La France insoumise (LFI) et des députés communistes ont voté contre. Le Rassemblement national (RN) s’est, lui, abstenu.
La construction d’une Europe de la défense et le soutien au processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne (UE) ont également divisé les députés qui espèrent, malgré la valeur symbolique de la résolution, peser sur la ligne du gouvernement.
Le texte appelle ainsi l’UE, l’OTAN et « les autres pays alliés » à « poursuivre et à accroître leur soutien politique, économique et militaire à l’Ukraine ». Les députés ont en outre amendé le texte pour inviter l’UE « à bâtir une défense européenne indépendante ».
Droit international et droit coutumier
L’examen de ce texte intervient en plein tumulte géopolitique, marqué par l’accélération des négociations de paix, avec l’accord de l’Ukraine à une proposition américaine de cessez-le-feu de trente jours avec la Russie, la réponse de Moscou se faisant toujours attendre.
Le sujet des avoirs russes s’est particulièrement imposé lors des débats, mercredi dans l’Assemblée, alors que les appels se multiplient en Europe en faveur d’une saisie à laquelle s’oppose le gouvernement. Les intérêts que génèrent les avoirs russes servent déjà à aider Kiev.
Mais la résolution va plus loin et « exhorte l’Union européenne et ses États membres à procéder sans délai à la saisie des avoirs russes gelés et immobilisés, (…), afin de financer le soutien militaire à l’Ukraine dans sa résistance, et sa reconstruction. »
Des députés LFI et RN se sont opposés à cette idée, qui enfreint selon eux le droit international. Le député du groupe LIOT (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) Laurent Mazaury, rapporteur du texte, a jugé, lui, que le « droit coutumier » permet d’utiliser les avoirs s’ils sont « bien dédiés à la problématique de la soutenance à l’Ukraine et à la reconstruction de l’Ukraine », sans « en faire d’autres usages ».
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Mais « la saisie totale du principal de ces avoirs pose des questions juridiques » et « la question du précédent économique que ça pourrait représenter pour les investisseurs étrangers », a déclaré le ministre chargé de l’Europe, Benjamin Haddad. « Cela étant dit, (…) c’est un levier dont nous disposons dans le rapport de force et dans la négociation avec la Russie », a-t-il ajouté, en ne s’opposant pas frontalement à l’inclusion de cette mesure dans le texte, et émettant un « avis de sagesse », ni favorable ni défavorable, sur l’amendement discuté.
« Patriotes de pacotille »
Le député socialiste Thierry Sother s’est félicité du « chemin » parcouru « collectivement » sur la question. Et a accusé certains députés d’être des « patriotes de pacotille » qui « disent la main sur le cœur, oui, nous soutenons l’Ukraine, mais dès qu’il faut agir, ne sont plus là ».
LFI et le RN accusent, par ailleurs, la résolution de porter un message belliciste. Elle « va nourrir les hostilités et porte en elle les germes d’une nouvelle guerre », a tonné la députée insoumise Sophia Chikirou. « Lorsqu’on vote la guerre, il faut être capable d’aller la mener. Vous avez des suppléants ? Démissionnez quand nous rentrons en guerre et allez au front », a même lancé le député RN Marc de Fleurian.
« Nous voulons que l’Union européenne soit forte précisément pour arrêter la guerre, pour défendre l’Ukraine », a rétorqué Patrick Mignola, ministre des relations avec le Parlement.
La cheffe de file du RN Marine Le Pen avait fait savoir, mardi, être opposée à la résolution en raison d’un alinéa sur l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Le texte dans sa version finale invite l’Union européenne à « accompagner le processus d’adhésion ».
Autre point ayant soulevé des débats : la question de l’importation de gaz russe par les pays de l’UE, à laquelle la résolution appelle à « mettre fin », et celle de la présence sur le sol ukrainien de soldats français en cas d’accord de paix. Le texte final, amendé, « encourage le gouvernement français et ses partenaires européens à étudier l’éventualité d’un déploiement de forces européennes de maintien de la paix en Ukraine ».
Le député François Ruffin (groupe écologiste) a critiqué un texte formulant un « appui à l’Ukraine », mais pas seulement : « Derrière, il faudrait qu’on soit automatiquement d’accord sur l’Europe de la défense ». « Ce pêle-mêle empêche qu’il y ait un consensus large dans cette assemblée », a-t-il déploré.