Pour s’être penché sur les sept premiers numéros du magazine Frontières, Raphaël Llorca en est convaincu : dire que ce trimestriel tiré à une trentaine de milliers d’exemplaires (439 000 abonnés sur Youtube) revendique fièrement une ligne identitaire et anti-immigration ne suffit pas à le définir ni à expliquer sa nocivité.
Pour la Fondation Jean Jaurès, qui mettra son texte en ligne lundi 17 mars, l’écrivain s’est livré à une analyse méthodique des contenus du titre fondé par le journaliste et militant d’extrême-droite Erik Tegner, proche de Marion Maréchal et hôte régulier des plateaux de CNews, invité occasionnel de Touche pas à mon poste ou encore de Sud Radio. Il en a tiré un enseignement qui appelle sans délai, estime-t-il, à une réaction : « La République est de nouveau confrontée à des menaces explicitement anti-libérales et anti-démocratiques ».
Ses premières constatations n’étonneront pas ceux qui ont déjà feuilleté le magazine. Comme la littérature produit des romans à thèse, explique Llorca, l’ancien média en ligne Livre Noir peut être qualifié de « magazine à thèse », tant il « manque de fidélité au réel ». Qu’il manipule les données d’un sondage pour n’en exploiter que celles qui confortent ses théories, crée lui-même « un trouble » afin de l’instrumentaliser ou use d’« analogies trompeuses » (réaliser un reportage en Afrique du Sud « pour convaincre d’un prétendu racisme anti-blanc qui sévirait dans l’Hexagone »), le périodique ne s’embarrasse pas de journalisme.
« Organe de propagande antirépublicaine »
« Se situant quelque part entre le média, l’agence de com’, le think tank et le parti politique », résume l’expert, le média « joue un important rôle de plateforme » à partir de laquelle il peut « défricher de nouvelles thématiques, mener le combat de la radicalité, et proposer des pistes de réflexion pour faire évoluer l’écosystème médiatique en sa faveur ». Comme, par exemple, investir la presse quotidienne régionale, semble-t-il négligée par l’offensive réactionnaire, ou « organiser une plus grande solidarité entre les différents médias “de droite” ».
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