La Cour suprême, la plus haute instance judiciaire des Etats-Unis, a lancé un rappel à l’ordre public à Donald Trump, mardi 18 mars, en déclarant que le président américain n’était pas fondé à exiger la destitution d’un juge fédéral.
La guerre entre la justice et l’administration du milliardaire républicain couve depuis plusieurs semaines. Mais elle a pris un tour dramatique quand un juge fédéral a ordonné en urgence la suspension d’une opération spectaculaire d’expulsion de migrants, Donald Trump répliquant mardi en exigeant la « destitution » du magistrat.
« Depuis plus de deux siècles, il est établi que la destitution n’est pas une réponse appropriée à un désaccord à propos d’une décision de justice », a rappelé dans un communiqué John Roberts, le président de la plus haute juridiction du pays. « La procédure ordinaire d’appel existe à cette fin », a-t-il souligné.
Cette rarissime expression publique survient quelques heures après que Donald Trump a lancé l’une de ses attaques les plus directes à ce jour contre l’institution judiciaire américaine, appelant à « destituer » James Boasberg, juge fédéral à Washington.
« Juges corrompus »
Saisi en urgence, le magistrat avait ordonné samedi la suspension pendant quatorze jours de toute expulsion de migrants sur le fondement d’une loi d’exception du XVIIe siècle, et en particulier exigé d’interrompre l’expulsion vers le Salvador de quelque 200 membres présumés d’un gang vénézuélien.
« Ce juge, comme beaucoup des juges corrompus devant lesquels je suis forcé de comparaître, devrait être destitué », a-t-il réclamé sur sa plateforme Truth Social. « La lutte contre l’immigration illégale a peut-être été la raison numéro un » de la victoire de Donald Trump à la présidentielle de novembre, a affirmé ce dernier, avant d’ajouter : « Je fais seulement ce que les électeurs ont demandé. »
Les expulsions du week-end ont été menées sur la base d’une loi de 1798 qui permet en temps de guerre d’arrêter et d’expulser des « ennemis étrangers » et que le président républicain entend mettre en œuvre, pour la première fois, en temps de paix. L’administration Trump fait valoir que les avions avaient déjà décollé à destination du Salvador et même quitté l’espace aérien américain quand le juge a rendu sa décision écrite et qu’elle n’y a donc pas contrevenu.
Cet argument a été au cœur d’une audience menée par le juge Boasberg, lundi, qui s’est montré sceptique et a, selon les médias américains, sommé le gouvernement de lui apporter des réponses mardi.
« Gauchiste radical dérangé »
De nombreux décrets pris par Donald Trump depuis son retour à la Maison Blanche, le 20 janvier, ont été attaqués en justice, et souvent suspendus par des magistrats estimant que le président américain outrepassait ses prérogatives. Ce dernier assure, au contraire, que ce sont les juges qui sortent de leur rôle pour l’empêcher d’appliquer son programme, en particulier en matière d’immigration et de réforme budgétaire.
Si ce n’est pas la première fois que Donald Trump, premier président des Etats-Unis condamné au pénal, s’en prend à l’institution judiciaire dans son ensemble, il semble avoir franchi un nouveau palier en appelant à révoquer un magistrat en particulier. Ce juge « n’a pas été élu président », a-t-il clamé, en le qualifiant de « gauchiste radical dérangé, fauteur de troubles et agitateur malheureusement nommé par Barack Hussein Obama ».
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Les juges fédéraux sont nommés à vie par la présidence américaine. Il appartient à la Chambre des représentants de lancer une éventuelle procédure de destitution, mais le magistrat visé ne peut être démis de ses fonctions qu’après un procès et un vote du Sénat à la majorité qualifiée, autant dire un processus très lourd et qui n’a quasiment aucune chance d’aboutir dans un paysage politique ultrapolarisé. Peu après le message posté par Donald Trump, un élu républicain du Texas, Brandon Gill, a toutefois affirmé sur le réseau social X que la procédure de destitution serait initiée « très bientôt ». La destitution d’un juge fédéral est extrêmement rare. La dernière en date remonte à 2010.