A la veille des manifestations contre l’extrême droite et le racisme prévues samedi 22 mars par plusieurs organisations de gauche, Jean-Luc Mélenchon a refusé de faire amende honorable, se posant même en victime, alors qu’au sein de la gauche montait l’indignation suscitée par l’image diffusée par La France insoumise (LFI) sur son compte X dix jours plus tôt, puis retirée précipitamment. Le cliché en noir et blanc montrait le visage de l’animateur de télévision Cyril Hanouna, déformé par un rictus menaçant. Elle empruntait aux codes du cinéma antisémite, rappelant les affiches de films de propagande nazie sortis en 1940 comme Le Juif éternel, de Fritz Hippler, ou Le Juif Süss, de Veit Harlan.
Qu’une organisation se réclamant de la gauche choisisse une illustration clairement antisémite, qui plus est pour appeler à un défilé contre le racisme, est à la fois inquiétant et scandaleux. Que son chef non seulement n’y trouve rien à redire, mais feigne de ne pas comprendre l’indignité du procédé reflète une dérive mensongère qui tend, tout en prétendant être la cible d’une campagne de l’extrême droite, à manipuler des préjugés dont on sait où ils ont mené l’Europe.
Car si le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, et la cheffe des députés « insoumis », Mathilde Panot, ont fini par reconnaître une « erreur » qu’ils ont bizarrement reliée à l’usage de l’intelligence artificielle, Jean-Luc Mélenchon n’a su opposer qu’un tonitruant « Taisez-vous ! » au journaliste de France 3 qui, le 16 mars, lui demandait si le choix de cette image était erroné. Sur France Inter, où on lui avait posé la même question, il avait répondu, comme s’il ignorait le message antisémite du cliché : « Il va falloir vérifier tout le temps la religion des gens qu’on caricature. »
Le déni a atteint son paroxysme lors d’une réunion publique à Brest, le 19 mars. Le leader de LFI a une nouvelle fois surjoué la colère, récusant d’un ton offusqué les accusations d’antisémitisme, et affirmant, lui, le féru d’histoire, tout ignorer des affiches des films de propagande nazie. « Pas de bol, nous, on n’a pas ces affiches, on n’est pas au courant, on ne sait pas. D’accord ? », a-t-il tonné, affirmant que l’image en cause « n’est plus diffusée que par l’extrême droite et les journalistes ».
Alors que l’audience, notamment parmi la jeunesse, du leader de LFI lui donne une responsabilité particulière pour éviter la propagation du racisme et de l’antisémitisme, il ne cesse, à des fins électorales, d’adresser des clins d’œil à la partie de la population qui, y compris dans les quartiers populaires, est sensible aux préjugés antijuifs.
Cela s’appelle jouer avec le feu, au moment où les massacres commis au cours de l’opération terroriste du 7-Octobre et la guerre à Gaza exacerbent les colères. Cela signifie aussi rompre avec la longue tradition de lutte contre le racisme et l’antisémitisme de la gauche, et renouer avec les dérives antijuives qui n’ont pas toujours épargné cette dernière. Cela revient à faire le jeu de l’extrême droite, dont le récent positionnement philosémite ne peut faire oublier son poids dans l’antisémitisme français, hier comme aujourd’hui.
Jean-Luc Mélenchon, qui rêve d’affronter Marine Le Pen en 2027, cible le « système » pour mieux détruire tout ce qui se situe entre elle et lui sur l’échiquier politique, en feignant d’ignorer que ses dérives évoquent de plus en plus celles de certains leaders de gauche de l’avant-guerre. Des aventures qui se sont toujours terminées dans la marginalité et le déshonneur.