Dima a le teint blafard, les yeux cernés, la voix atone. Elle a vécu dans l’effroi à Al-Raddar, un quartier de Tartous, sur le littoral, depuis la vague de massacres d’alaouites qui a eu lieu dans des régions de l’ouest de la Syrie, début mars. Un mois plus tard, elle a fui au Liban, avec ses trois enfants âgés de 15 à 25 ans. Elle est sous le choc. « La violence n’est pas terminée, dit cette femme, qui a requis l’anonymat, comme d’autres personnes interviewées. La nuit, on entendait des tirs et des menaces. Je ne me rendais plus au travail. Mon plus jeune fils n’allait plus à l’école. La plupart du temps, on vivait cloîtrés. »
Assise dans un entrepôt converti en refuge à Jabal Mohsen, banlieue alaouite de Tripoli (nord du Liban, ville à majorité sunnite), Dima a toujours peur : son mari n’a pas encore fait le voyage. Sa mère, âgée, restera en Syrie – elle en pleure. « On nous a dit que les massacres avaient eu lieu à cause des foulouls [terme désignant les partisans de l’ancien régime de Bachar Al-Assad, lui-même issu de la communauté alaouite, branche minoritaire de l’islam]. Ce n’était qu’un prétexte. La violence à l’œuvre est purement sectaire », accuse-t-elle, devant un plateau de maté, une infusion de plantes. Les tueries de mars, qui ont fait plus de 1 700 morts civils d’après l’Observatoire syrien des droits de l’homme, ont commencé après des attaques lancées par des partisans armés de Bachar Al-Assad contre les forces de sécurité des nouvelles autorités islamistes, dans l’ouest de la Syrie, où se trouve le berceau des alaouites.
Il vous reste 76.52% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.