Un équipage entièrement féminin a réalisé un voyage privé dans l’espace ce lundi.
Un vol ultra-médiatisé qui a alimenté les théories complotistes.
De la porte ouverte de l’intérieur à l’absence de marques sur la capsule, aucun argument avancé n’est crédible.
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L’info passée au crible des Vérificateurs
Pour beaucoup, cet événement marque le retour d’un vol 100% féminin dans l’espace (nouvelle fenêtre) après plus de 60 ans d’absence. Pour d’autres, ce n’est que la « pire arnaque de 2025 ». Dans une vidéo qui a cumulé plus d’un million de vues en 24 heures, une internaute s’en prend au voyage organisé par l’entreprise Blue Origin le 14 avril dernier. D’après elle, cette aventure spatiale de 11 minutes ultra-médiatisée, à laquelle participait notamment la chanteuse américaine Katy Perry, ne serait qu’une mise en scène.
« Ils nous prennent vraiment pour des teubés », s’exclame la jeune femme (nouvelle fenêtre), face caméra, avant de multiplier les preuves supposées démontrer la manœuvre de l’entreprise fondée par le milliardaire Jeff Bezos. Porte ouverte de l’intérieur, absence de brûlures sur la capsule, vidéo de l’atterrissage, tout est décortiqué par la jeune femme qui conclut : « En fait, il n’y a rien qui va. » Nous avons vérifié ses arguments.
Une gaffe déchaine les complotistes
À commencer par un élément « extrêmement bizarre » qui a agité l’ensemble de la complosphère depuis le 14 avril. À savoir, la porte de la capsule qui s’ouvrirait une première fois discrètement avant de se fermer. « Ce que personne ne comprend, c’est pourquoi Jeff Bezos s’est approché de la capsule et a fait comme s’il était en train de l’ouvrir alors qu’en fait, elle était déjà ouverte », indique l’internaute.
Une information confirmée par les images diffusées en direct (nouvelle fenêtre) du retour de l’équipage sur Terre. Disponible sur la chaine YouTube de Blue Origin, elles montrent la trappe s’ouvrir brièvement depuis l’intérieur (1h45 après le début du direct (nouvelle fenêtre)) alors que le patron de l’entreprise et un membre de son équipe se tiennent à proximité de l’engin. La trappe se referme rapidement sur consigne de la femme qui accompagne le patron de l’expédition. Puis, trois minutes plus tard, la même employée fait un signe du pouce vers les caméras. Le flux en direct fait alors un zoom sur Jeff Bezos. Le milliardaire s’approche pour ouvrir l’accès avec un outil spécialisé et salué fièrement l’équipage.
Un incident qui peut paraitre étrange, mais qui ne prouve absolument pas l’existence d’une machination (nouvelle fenêtre). Une ouverture de l’intérieur n’a en effet rien d’étonnant. Au contraire, c’est une exigence en matière de sécurité. Depuis la mission Apollo 1, au cours de laquelle un incendie s’est déclaré sur la rampe de lancement, piégeant l’équipage dans le module de commande du vaisseau, les capsules doivent s’ouvrir dans les deux sens. Les consignes de la Nasa, disponibles en ligne (nouvelle fenêtre), recommandent que pour « les opérations courantes, les écoutilles et les portes doivent être manœuvrables par un seul membre d’équipage en 60 secondes maximum, des deux côtés de l’écoutille ».
Une scène qui relève donc plus de la gaffe que du grand complot. Interrogé pour savoir s’il s’agissait bien d’une consigne donnée à l’équipage pour permettre au média de capturer le moment où le milliardaire déverrouille la capsule, l’entreprise n’est pas revenue vers nous dans l’immédiat.
Un trajet incomparable à ceux de la Nasa
Reste que deux autres indices étonnent la jeune femme. D’abord, la taille des hublots de la capsule qui iraient « à l’encontre des principes scientifiques de base », car ils ne seraient pas assez étanches pour un voyage spatial. Ensuite, le retour de l’engin, « quasi intacte, sans traces, sans brûlures ». Un paradoxe partagé par de nombreux internautes, qui ont confronté l’image du retour de l’appareil Blue Origin à la photo d’une autre capsule revenue de l’espace. Deux clichés incomparables.
D’après nos recherches, le cliché utilisé dans l’exemple ci-dessous remonte à août 2020 (nouvelle fenêtre), lorsque le « Crew Dragon » de Space X a atterri en Floride. À son bord, deux astronautes qui venaient de passer plus de deux mois (nouvelle fenêtre) dans l’espace. Parmi les objectifs de l’équipage, se rendre dans la Station spatiale internationale (ISS), ce laboratoire en orbite à 400 km au-dessus de nous (nouvelle fenêtre). Un parcours de plusieurs jours, une mise en orbite et un retour dans l’atmosphère avec une vitesse de rentrée à près de 28.000 km/h.
Une situation qui n’a absolument rien à voir avec celle du vol « touristique » de Blue Origin. La capsule New Shepard franchit à peine la ligne de Karman (nouvelle fenêtre), cette zone considérée comme la frontière entre notre atmosphère et l’espace. Soit une altitude maximale de 107 km. Un voyage dont elle est revenue en atteignant une vitesse maximum de 3.200 km/h. Contrairement au Crew Dragon, la capsule New Shepard ne nécessite donc « pas de portes hautement renforcées pour un voyage spatial » et ne produit pas la même combustion grâce à sa « vitesse d’entrée », comme nous le confirme un expert de l’institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace à Toulouse. « Elle sort à peine de l’atmosphère. »

« Mais il n’y a pas que ça », pour reprendre l’expression de l’internaute. Elle en est certaine, les secousses dans l’habitacle ne sont pas normales. « La capsule aurait atterri à 25 km/h », pense-t-elle savoir, comparant les images d’une femme à l’intérieur de l’engin à « la simulation d’une secousse à 7 km/h ». « Autrement dit, c’est quasi impossible. »
Là encore, la jeune femme se trompe. Au moment de revenir sur la terre ferme, la vitesse de la capsule est largement ralentie par les trois parachutes destinés à réaliser un « atterrissage en douceur » (nouvelle fenêtre), comme s’en félicite l’entreprise. Ainsi, selon les données diffusées au moment du vol spatial, l’habitacle chutait à une vitesse de 0,016 mph, soit moins de 1 km/h. Fait encore plus étonnant, la séquence utilisée comme preuve dans cette vidéo virale ne provient pas du vol auquel participait Katy Perry. La femme à l’image est en réalité Emily Calandrelli, une ingénieure américaine, qui s’est payée le luxe d’un vol dans l’espace le 22 novembre dernier (nouvelle fenêtre).
Car c’est bien là le plus étonnant dans la viralité de cette vidéo qui multiplie les fausses informations sur fond de théories complotistes. Il ne s’agit absolument pas de la première mission du programme New Shepard. Elle est en vérité le onzième vol habité organisé par Blue Origin. Au total, 52 personnes ont participé à des vols mixtes avec cette entreprise fondée par le patron d’Amazon, sans que cela provoque de telles spéculations.
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