Ramener la paix en Ukraine en vingt-quatre heures était une vantardise de campagne du candidat Donald Trump que personne ne pouvait prendre au sérieux. Ses premiers pas de président sur le chemin de croix d’une négociation avec la Russie lui ont rapidement fait comprendre que cela prendrait un peu plus de temps. Homme pressé, il n’a pu s’empêcher de se fixer un nouveau délai pour obtenir un cessez-le-feu : Pâques, ou les cent premiers jours de son mandat, fin avril. Nous y sommes.
Cela explique sans doute l’impatience que son secrétaire d’Etat, Marco Rubio, a manifestée vendredi 18 avril en quittant Paris au lendemain d’une journée de pourparlers tripartites de haut niveau à l’Elysée. Ces entretiens, d’un format inédit, constituaient pourtant une avancée : pour la première fois, les Européens, représentés par la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, ont pu discuter de l’Ukraine avec les Américains et les Ukrainiens.
Jusqu’ici les discussions avaient eu lieu soit entre Ukrainiens et Américains, soit entre Européens et Ukrainiens, soit entre Américains et Russes. Une autre réunion tripartite, dans le même format que celui de l’Elysée, est prévue la semaine suivante à Londres. Mais cette avancée, qui est à mettre au crédit de l’engagement du président Emmanuel Macron dans la recherche d’une solution au conflit ukrainien, ne semble pas avoir produit de solution susceptible de déboucher sur un cessez-le-feu.
Washington menace donc à présent de se retirer du processus. S’il n’apparaît pas « dans les prochains jours » qu’un accord est « faisable », a déclaré M. Rubio vendredi, « nous devons passer à autre chose. Les Etats-Unis ont d’autres priorités ». Le président Trump a renchéri un peu plus tard : « Si l’une des deux parties rend les choses vraiment difficiles, nous allons juste dire, vous êtes des fous, vous êtes des gens horribles, et on va passer notre tour », a-t-il déclaré. Comme souvent, M. Trump a aussi dit le contraire – « J’espère que nous n’aurons pas à le faire » – et son vice-président, J. D. Vance, en visite à Rome, s’est déclaré « optimiste ».
Il faut pourtant prendre ces menaces au sérieux. Dans cet étrange jeu autour de la recherche d’une paix en Ukraine sans plan américain cohérent, deux positions restent constantes : celles de la Russie et des Etats-Unis. L’Ukraine a fait de multiples concessions pour accepter un cessez-le-feu inconditionnel et même signé, jeudi, un mémorandum d’accord avec Washington sur ses ressources naturelles.
Les Européens n’ont cessé de se réunir pour tenter d’organiser la sécurité de l’Ukraine en cas de cessez-le-feu. Le président russe, lui, n’a pas bougé d’un iota sur ses revendications, tout en se prétendant ouvert à la négociation. Quant à M. Trump, il ne cache pas son dédain pour le président Zelensky, qu’il accuse régulièrement, contre toute évidence, d’avoir commencé la guerre, mais il épargne systématiquement Vladimir Poutine, président du pays agresseur.
Plus grave : nul ne sait si Washington entend poursuivre l’aide militaire américaine à l’Ukraine fournie par l’administration Biden, dont les livraisons touchent à leur fin. Il n’est donc pas exclu que M. Trump mène jusqu’au bout son entreprise de rapprochement avec la Russie et abandonne l’Ukraine aux Européens. « Ce n’est pas notre guerre », a rappelé Marco Rubio. C’est une hypothèse que les Européens doivent se préparer à affronter, en intensifiant leur aide militaire à Kiev.