Face aux défis que traverse l’agriculture française – inflation des coûts de l’énergie, dérèglement climatique, concurrence internationale exacerbée, revenus réduits… –, certains brandissent la souveraineté alimentaire comme un bouclier contre les exigences environnementales. Une façon, presque confortable, de dire : « On ne peut plus se permettre de changer, laissez-nous produire plus et vite, comme nos concurrents. »
Cette logique est une impasse. La souveraineté alimentaire ne peut pas reposer sur une course perdue d’avance contre des pays qui produisent à des coûts bien plus bas, avec des normes incomparables.
Prenons un exemple simple : le coût de production du blé. En France, il oscille entre 170 et 190 euros par tonne. Aux Etats-Unis, il est plutôt de 120 à 140 euros. Ce différentiel reflète des réalités structurelles propres à la première puissance économique mondiale : des fermes plus vastes, moins de contraintes sociales et environnementales, des rendements plus faibles sur des terres surexploitées.
Notre souveraineté alimentaire ne peut pas être construite sur la fragilité d’un modèle agricole intensif à bout de souffle. Ce serait abandonner ce qui fait la spécificité et la force potentielle de notre modèle, sa diversité, sa proximité, sa capacité aussi à rendre des services à la société : utiliser moins de pesticides contribue à une eau et des sols moins pollués, exploiter de petites surfaces replantées de haies concourt à la biodiversité et à la beauté de nos paysages ruraux.
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