Le prix mondial de la liberté de la presse de l’Unesco a été décerné, samedi 3 mai, à La Prensa, un quotidien historique du Nicaragua dont la rédaction a été contrainte à l’exil par la féroce répression du gouvernement.
Doyen des journaux nicaraguayens, La Prensa, qui avait joué un rôle important dans la lutte contre la dictature d’Anastasio Somoza, a dénoncé la mainmise sur le pouvoir du président Daniel Ortega, qui dirige ce pays d’Amérique centrale depuis 2007, et de son épouse Rosario Murillo, vice-présidente depuis 2017 et devenue « coprésidente » en février.
Face aux attaques répétées des autorités, ce quotidien fondé en 1926 a dû cesser sa publication papier en 2021. Ses employés ont fui le Nicaragua et il est désormais diffusé en ligne de l’étranger. Son gérant, Juan Lorenzo Holmann, a été arrêté en 2021, condamné à neuf ans de prison pour blanchiment de fonds, avant d’être relâché et expulsé vers les Etats-Unis, avec 221 autres dissidents, en février 2023. Le siège du journal dans la capitale Managua a été transformé en « centre culturel » par les autorités.
« Sacerdoce »
« C’est un grand honneur pour La Prensa de recevoir ce prix (…) et nous le recevons avec une profonde gratitude en ces temps difficiles que nous traversons », a réagi Juan Lorenzo Holmann, joint par l’Agence France-Presse (AFP). « Au Nicaragua, il n’y a pas de journalisme indépendant, la dictature le criminalise. L’exercice du journalisme n’est pas une vocation, ce n’est pas une profession, c’est devenu un sacerdoce », a-t-il ajouté, affirmant que « ce prix n’est pas seulement pour La Prensa mais pour le Nicaragua et pour tous les journalistes indépendants qui continuent à faire des reportages depuis l’étranger ».
« La Prensa a fait des efforts courageux pour rapporter la vérité au peuple du Nicaragua », a salué le président du jury ayant décerné ce prix, Yasuomi Sawa : « Contraint à l’exil, ce journal entretient courageusement la flamme de la liberté de la presse ».
Le Nicaragua est classé 172e (sur 180) dans le classement sur la liberté de la presse publié vendredi 2 mai par Reporters sans frontières (RSF), qui estime que « la presse indépendante continue de vivre un véritable cauchemar » dans ce pays.
Le prix mondial de la liberté de la presse Unesco/Guillermo Cano – du nom d’un journaliste colombien assassiné en 1986 – sera officiellement remis au cours d’une cérémonie le 7 mai à Bruxelles. Il récompense chaque année « une personne, une organisation ou une institution ayant apporté une contribution exceptionnelle à la défense ou à la promotion de la liberté de la presse, où que ce soit dans le monde, en particulier lorsque cette contribution a été obtenue au mépris du danger avec bravoure », explique l’Unesco.