Faut-il être Breton pour connaître les Johnnies, ces paysans qui, jadis, ont traversé la Manche pour aller vendre leurs oignons au Royaume-Uni ?
Le JT de TF1 a retrouvé certains d’entre eux à Roscoff.
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Le 13H
J’étais Johnny, je faisais ça, du porte-à-porte. On a traversé la Manche plusieurs fois. Elle nous connaît, cette Manche. Il ne s’était pas remis en selle depuis 50 ans sur ce vélo qu’il a mené au-delà de l’horizon du port de Roscoff. La mer est trop belle aujourd’hui, mais ce n’est pas le cas en hiver. Au retour d’Angleterre, en décembre. Outre Manche, Marcel et des milliers d’agriculteurs ont exporté l’oignon de Roscoff. Il a toujours été tressé pour être vendu. Son fils Eric poursuit ce savoir-faire. On commence toujours par un gros oignon. Le pen capitaine, c’est la tête. Ensuite, on choisit son emplacement et on le pose. On passe le raffia par-dessus, on l’attache à la tresse. Ça fait une plus-value par rapport au produit Wrax. Cela le rend aussi plus pratique à transporter. Des bottes d’oignons dépassant des vélos, c’est l’une des images des Johnny’s. 2830 à 2022, jusqu’à 2000 paysans bretons embarquent pour une aventure extraordinaire. Cap sur le Royaume-Uni, les cales de bateaux remplies d’oignons pour les commercialiser ensuite sur les marchés ou en porte-à-porte. Marcel, à gauche sur cette photo, commence en 1962 suivant le sillon tracé par ses aînés. Moi, je partais d’ici, j’allais à Newcastle. Mais le grand-père, je n’ai pas terminé. Il partait de là, il allait là. Et toute sa vie, il a livré la reine-mère au château de Balmoral. Pendant 50 ans, il allait au château. C’est pour ça que la reine-mère, elle, a vécu âgée. Elle a mangé beaucoup d’oignons de Roscoff. Le désormais retraité a fait le voyage 7 ans de suite. On avait trouvé un garage pour nous loger. Les Johnny’s travaillent là-bas en saison, d’août à janvier. On portait pour 6 mois. La barrière de la langue, ce n’était pas trop dur des fois ? Si, un little bit. On parlait français, breton, anglais. Trilingue. Aujourd’hui, il ne reste que quelques Johnny’s en activité. Le développement du commerce international et le Brexit ont mis à mal ce travail saisonnier. A Roscoff, un musée raconte cette histoire. Explique aussi pourquoi ces paysans ont exporté leur production locale. C’est tout bête. Ils se sont rendus compte que l’Angleterre ne produisait pas assez de légumes pour sa consommation. Une opportunité rentable. L’oignon se vend 3 fois plus cher. Il fallait braver la mer. Il y avait beaucoup de population de marins. Avec 70 ans de traversée, François Seiter est l’un des plus anciens Johnny’s encore en vie. Johnny’s pour John, traduction anglaise de Jean, lui a son propre surnom, 2 shillings, donné par sa 1re cliente anglaise. Je lui ai dit bonjour. Elle me demandait mon âge. J’ai répondu le prix de mes oignons. Elle m’a toujours appelé 2 shillings. Pour gagner sa vie outre-manche, il fallait obtenir ce livret vert. Une autorisation de travail de 3 mois renouvelable. Il n’y avait pas d’autorisation officielle. Du jour au lendemain, ils auraient pu dire qu’ils ne voulaient plus vous voir. En général, il n’y a jamais eu trop de problèmes avec les Johnny’s. De gros travailleurs. Leur journée de travail ne s’arrête que quand tous les oignons sont vendus. Les Johnny’s nouent des liens forts avec leurs clients. Encore aujourd’hui, sans avoir à traverser la mer. Ça me manque de ne pas y aller. J’ai beaucoup d’amis qui m’écrivent à Noël. Je reçois entre 20 et 30 cartes de Noël tous les ans. Ces paysans bretons en migration saisonnière donnent des idées à l’une des plus grosses coopératives agricoles de Bretagne. En 1973, elle lance sa compagnie de bateaux. Elle achemine des milliers de tonnes de légumes en Grande-Bretagne. La Britannie fait risonner. A Roscoff, on est plus près de Plymouth qu’on est de Rennes. Et on est plus près de Londres qu’on est de Paris. Il y avait un marché de 70 millions d’habitants qui était en face de nous. D’abord des denrées alimentaires, puis des touristes pour devenir l’une des principales compagnies de ferry en France. 2 millions de passagers par an. Ce sont eux désormais qui sont balottés par les flots de la Manche. Les marchands d’oignons de Roscoff se contentent de les regarder prendre la mer.
« J’étais Johnnie. On a traversé la Manche plusieurs fois. Elle nous connaît, cette Manche ». Marcel Quéméner ne s’était pas remis en selle depuis 50 ans sur le vélo qui l’a mené au-delà de l’horizon du port de Roscoff. Outre-Manche, Marcel et des milliers d’agriculteurs ont exporté l’oignon de Roscoff. , toujours tressé pour être vendu. Son fils Eric poursuit ce savoir-faire aujourd’hui. « On commence toujours par un gros oignon. Ensuite, on choisit son emplacement et on le pose. On passe le raphia par-dessus, on l’attache à la tresse. Ça fait une plus-value par rapport au produit en vrac. Ça le met en valeur », explique-t-il dans le reportage du JT de TF1 visible en tête de cet article. Cela le rend aussi plus pratique à transporter.
Moi, j’allais à Newcastle. Mais le grand-père, pendant cinquante ans, il a livré la reine mère jusqu’en Écosse, au château de Balmoral.
Moi, j’allais à Newcastle. Mais le grand-père, pendant cinquante ans, il a livré la reine mère jusqu’en Écosse, au château de Balmoral.
Marcel Quéméner, ancien Johnnie
« Après, on doit les attacher deux par deux pour pouvoir les mettre sur le guidon », ajoute Marcel. Ces bottes d’oignons dépassant de leurs vélos, c’est justement l’une des images des Johnnies. De 1830 à 2022, jusqu’à 2.000 paysans bretons ont embarqué sur des bateaux vers le Royaume-Uni, les cales remplies d’oignons pour les commercialiser ensuite sur les marchés ou en porte-à-porte.
Marcel avait commencé en 1962, suivant le sillon tracé par ses aînés. « Moi, j’allais à Newcastle. Mais le grand-père, pendant cinquante ans, il a livré la reine mère jusqu’en Écosse, au château de Balmoral. C’est pour ça que la reine mère a vécu âgée. Elle a mangé beaucoup d’oignons de Roscoff ! », ironise-t-il.
Le désormais retraité a fait le voyage sept ans de suite. « On avait trouvé un garage pour nous loger », se souvient-il. Les Johnnies travaillaient là-bas d’août à janvier. « On partait pour six mois. Au départ, la barrière de la langue, ça a été dur, mais après non. Maintenant, on parle français, breton, anglais », assure Marcel. Aujourd’hui, il ne reste que quelques Johnnies en activité. Le développement du commerce international et le Brexit ont mis à mal ce travail saisonnier.
« Pas d’autorisation officielle »
À Roscoff, un musée raconte leur histoire et explique aussi pourquoi ces paysans ont exporté leur production locale. « C’est tout bête. Ils allaient déjà dans différents endroits en France pour vendre leurs oignons et ils se sont rendus compte que l’Angleterre ne produisait pas assez de légumes pour sa propre consommation », détaille Angélique Comberton, animatrice et médiatrice culturelle à la « Maison des Johnnies et de l’oignon de Roscoff ». Une opportunité rentable, car l’oignon se vend trois fois plus cher. « Ça valait beaucoup plus le coup de braver la mer qu’ils connaissaient bien parce que Roscoff, c’est en bord de mer et il y avait beaucoup de populations de marins », précise l’animatrice.
Avec 70 ans de traversée, François Seité est l’un des plus anciens Johnnies encore en vie. Johnnie pour John, traduction anglaise de Jean qui était le prénom de beaucoup de paysans bretons. Mais lui a son propre surnom : Two Shillings, donné par sa première cliente anglaise. « Je lui ai dit bonjour. Elle me demandait mon âge. J’ai répondu en donnant le prix de mes oignons. Et ensuite, elle m’a toujours appelé two shillings », témoigne-t-il. Pour gagner sa vie outre-Manche, il fallait obtenir un livret vert. Une autorisation de travail de trois mois renouvelable. « On était juste toléré là-bas. On n’avait pas d’autorisation officielle. Du jour au lendemain, ils auraient pu dire qu’ils ne voulaient plus nous voir. En général, il n’y a jamais eu trop de problèmes avec les Johnnies », argue François.
Il faut dire que c’étaient de gros travailleurs. Leur journée de travail ne s’arrêtait que quand tous les oignons étaient vendus. Du coup, les Johnnies ont noué des liens forts avec leurs clients. « Ça me manque de ne pas y aller parce qu’on se faisait des amis. J’ai beaucoup d’amis qui m’écrivent à Noël. Je reçois entre 20 et 30 cartes de Noël tous les ans », assure François Seité.
Ces paysans bretons en migration saisonnière ont fini par donner des idées à l’une des plus grosses coopératives agricoles de Bretagne. En 1973, elle lance sa compagnie de bateaux et achemine des milliers de tonnes de légumes en Grande-Bretagne. La Britanny Ferries était née. « A Roscoff, on est plus près de Plymouth qu’on est de Rennes. Et on est plus près de Londres qu’on est de Paris. Donc, il y avait un marché de 70 millions d’habitants qui était en face de nous », affirme Jean-Marc Roué, le président de la compagnie.
Ce furent d’abord des denrées alimentaires, puis des touristes pour devenir l’une des principales compagnies de ferry en France avec deux millions de passagers par an. Ce sont eux désormais qui sont ballottés par les flots de la Manche. Les marchands d’oignons de Roscoff se contentent à présent de les regarder prendre la mer.