Professeure de sociologie de l’éducation à l’université de Cambridge (Royaume-Uni), Jo-Anne Dillabough a mené durant quatre ans un projet de recherche consacré aux attaques contre l’éducation supérieure et à l’influence du populisme, en se fondant sur des études de cas dans des pays où le phénomène est particulièrement marqué : le Royaume-Uni, la Hongrie, la Turquie et l’Afrique du Sud.
Vous évoquez une hausse de la censure dans les universités. Ce constat s’applique-t-il à des contextes aussi différents que la Turquie et le Royaume-Uni ?
Tout à fait. En Turquie, l’Etat a essentiellement obtenu une mainmise sur les institutions d’enseignement supérieur. Toute dissension au sein des universités est sévèrement punie, avec une augmentation de la répression depuis 2016. Au Royaume-Uni, la loi sur la liberté d’expression dans les universités anglaises, adoptée en 2023, peut au premier abord apparaître comme une avancée, puisqu’elle défend le droit d’exprimer toutes les opinions, si controversées soient-elles. Mais il s’agit d’une création des milieux anti-« woke », destinée à éviter les « annulations » de personnalités controversées. Elle ne fait qu’accroître les divisions entre les camps progressiste et conservateur, sans pour autant protéger la liberté d’expression. Des étudiants ont par exemple été suspendus pour avoir pris part à une manifestation non violente en faveur de Gaza, en mai 2024.
Au Royaume-Uni, vous avez identifié une tendance à la privatisation des universités. Comment s’exprime-t-elle ?
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