Sur le pont supérieur du Phenice, un groupe de filles prend la pose. Lunettes de soleil sur le nez, elles inspectent leur coiffure dans le reflet de leur portable avant de chanter en play-back sur une petite chorégraphie. Le TikTok est dans la boîte, il semble faire l’unanimité. Partout autour d’elles, des grappes d’adolescents papotent bruyamment. Ce lundi matin d’avril, ils sont une centaine à s’être retrouvés au port de Livourne (Italie) pour une sortie scolaire un peu particulière.
Après une heure de traversée, une forme verte se dessine à l’horizon, sur la mer de Ligurie : Gorgona, la plus petite île de l’archipel toscan. Les haut-parleurs du bateau crachotent une annonce en italien : les membres du personnel d’encadrement sont invités à récupérer tous les portables, tablettes et montres connectées. Interdiction formelle de prendre des photos aujourd’hui. Les élèves s’en doutaient. Gorgona n’est pas une île comme les autres. C’est la dernière « île-prison » en activité en Italie. Un pénitencier à ciel ouvert, sans murs ni barbelés, où vivent 87 prisonniers.
Avec sa baie turquoise, ses maisons de pêcheurs multicolores et ses pins parasols, Gorgona resplendit. Barbara Radice, une fonctionnaire qui travaille là depuis trois ans, ne prête plus tellement attention à ce décor de carte postale. Elle avance d’un pas rapide jusqu’au bar de la caserne, suivie de près par deux apiculteurs et un charpentier, venus animer des ateliers pour la journée. Derrière le comptoir, deux hommes, l’un en uniforme, l’autre en civil, distribuent cafés et croissants à la petite foule qui se retrouve ici chaque matin. Tout le monde discute, comme dans n’importe quel café-bar. Difficile de distinguer qui est à Gorgona de son plein gré et qui y est incarcéré.
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