Sur la berge, un fauteuil pliant l’atteste. Chaque jour, Bruno Fourniret s’émerveille un long moment devant sa mare. « Elle me rend heureux. Matin et soir, je m’arrête, je médite. Enfin, ça fait prétentieux… disons que j’apprécie, mon café à la main, tous les sens en éveil. Je suis au spectacle. » Retraité de la formation pour adultes, le sexagénaire a le cheveu gris qui se raréfie, mais le verbe foisonnant pour présenter cette mare « en forme de patate » bordée de roseaux blonds, au bout du jardin attenant à sa maison d’Etouvelles (Aisne), près de Laon.
En même temps que leur demeure, il y a trente-trois ans, Bruno et sa femme, Michèle, ont acquis la retenue d’eau peu profonde nichée au creux d’un petit bois. « Les berges étaient bien tondues, bien nettes, tout était pauvre et désert », se rappelle le propriétaire, foulant de ses chaussures de randonnée une végétation désormais exubérante. Enfant, il dévorait la revue naturaliste La Hulotte. Aussi a-t-il « laissé prospérer le site pour que les richesses se révèlent ». Une fois l’an seulement, il y patauge en combinaison de plongée : il faut bien arracher quelques rhizomes de roseaux, la mare se comblerait, sinon.
Au rythme enlevé du pivert tambourinant sur un tronc, M. Fourniret dresse la liste de ses petits bonheurs : « Les différentes nuances de vert à l’arrivée du printemps, le ciel qui se reflète dans l’eau, le ballet des libellules déprimées, des demoiselles, leur vol lourd ou léger, la patience de la couleuvre à collier chassant les grenouilles, la visite des hérons, poules d’eau et canards, un martin-pêcheur qui traverse, un ragondin qui laisse sa trace… » Et toutes ces plantes ! « C’est tellement riche, tellement différent jour après jour, s’emballe-t-il. Grâce à ma mare, j’ai appris à regarder. »
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