Deux romans, un récit, une étude littéraire, un essai d’histoire, un de linguistique, un autre de psychanalyse (de l’IA !)… Voici les brèves critiques de sept ouvrages notables en cette vingt-quatrième semaine de l’année.
Linguistique. « Retour à la parole », de Julien Barret
On n’a jamais autant parlé, au téléphone, dans des vocaux, des vidéos, pour passer des examens, présenter ses travaux, débattre, s’amuser, se défier dans des jeux… Mais que sait-on au juste de la machine qu’on met alors en branle ? En s’appuyant sur la vogue des concours d’éloquence, dont il analyse le récent retour, le linguiste Julien Barret, lui-même formateur en art oratoire, livre un plaidoyer convaincant, très documenté, pour une réévaluation des enjeux techniques, esthétiques, moraux ou politiques de la prise de parole. Seul le savoir libère, démontre-t-il à mesure qu’il examine l’histoire de la rhétorique, de l’Antiquité à la fin du XIXe siècle, qui marque sa disparition dans l’enseignement à peu près partout en Europe. La richesse de cet outil dont nous nous servons trop souvent sans le connaître reste encore à découvrir. Fl. Go
« Retour à la parole. De la rhétorique antique aux concours d’éloquence », de Julien Barret, Actes Sud, « La compagnie des langues », 166 p., 19 €, numérique 14 €.
Histoire. « “Signalé comme suspect” », de Vincent Bollenot
L’histoire contemporaine de la France ne peut plus se diviser commodément entre deux espaces étanches, la métropole et son empire. Le livre issu de la thèse de l’historien Vincent Bollenot, qui porte sur le service de contrôle et d’assistance des indigènes en France, est une nouvelle et puissante démonstration des liens indémêlables entre le colonial et le national dans la première moitié du XXe siècle. Cette institution est en effet née durant la Grande Guerre, en raison de la présence accrue sur le sol français de soldats et travailleurs venus de l’empire. Mais elle ne disparaît pas en 1918, pas plus que ne disparaissent du territoire les « impérialisés », et se reconfigure au contraire comme instrument de surveillance paternaliste. Si les colonies sont aux marges géographiques de la IIIe République, elles n’en sont pas moins au cœur de l’Etat. A. Lo.
Il vous reste 75.19% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.