C’est un débat que les démocraties préféreraient éviter. L’Allemagne, pourtant, doit l’affronter depuis que, le 2 mai, l’office de protection de la Constitution, chargé du renseignement intérieur, a classé le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD), deuxième force politique du pays, comme un mouvement « extrémiste de droite confirmé ». Motif ? Les « indices selon lesquels l’AfD aurait des aspirations contre l’ordre fondamental libéral et démocratique » sont devenus à ses yeux des « certitudes ».
Cette décision, aussitôt contestée par l’AfD et suspendue le temps d’une procédure d’appel, n’a pas d’autre effet concret que celui de renforcer les moyens de surveillance de l’Etat fédéral à l’encontre du parti. Sa portée réelle réside surtout dans ce qu’elle pourrait fonder une demande d’interdiction de l’AfD auprès de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, en fournissant des arguments relatifs au danger que le parti fait peser sur la démocratie allemande.
Cette perspective, pourtant, divise profondément les Allemands. A en croire les sondages, environ la moitié d’entre eux est favorable à une interdiction, l’autre y étant opposée ou restant indécise. Les juristes semblent tout aussi partagés. D’où l’embarras des partis politiques du centre – les sociaux-démocrates soutenant plutôt l’interdiction, les conservateurs y étant plutôt hostiles, chacun avec des voix divergentes en leur sein. Les deux formations étant liées dans la coalition au pouvoir à Berlin depuis le 6 mai, l’ouverture d’une procédure d’interdiction, dont la demande ne peut émaner que d’une majorité d’élus du Bundestag (l’Assemblée fédérale), du Bundesrat (le Conseil fédéral) ou provenir du gouvernement fédéral, semble à ce stade hypothétique.
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