- Une lanceuse d’alerte a déposé une nouvelle plainte, le 20 juin, à Paris, afin qu’un juge d’instruction enquête sur les soupçons de détournement de fonds et de favoritisme dont elle accuse Édouard Philippe.
- Le maire Horizons du Havre, qui conteste les accusations, a répliqué en dénonçant une « triste vendetta » de la part de cette haute fonctionnaire.
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« Horizons », le nouveau parti d’Édouard Philippe
Elle persiste et signe. Une lanceuse d’alerte a porté une nouvelle plainte avec constitution de partie civile, le 20 juin, à Paris, pour demander la désignation d’un juge d’instruction pour enquêter sur des soupçons de détournement de fonds publics et de favoritisme (nouvelle fenêtre) visant Édouard Philippe. Selon Me Jérôme Karsenti, l’avocat de la plaignante, qui en a fait l’annonce, lundi 23 juin, à l’AFP, France Inter (nouvelle fenêtre) et Le Monde
(nouvelle fenêtre),
la plainte a été déposée pour harcèlement moral, détournement de fonds publics, favoritisme, prise illégale d’intérêt et concussion.
« Je réfute toutes les accusations d’illégalités formulées contre moi »
, a réagi auprès de l’AFP l’ancien Premier ministre, précisant avoir « déjà eu l’occasion de répondre aux questions »
du parquet national financier (PNF). Sont également visées par cette plainte Stéphanie de Bazelaire, adjointe chargée de l’innovation et du numérique ainsi que Claire-Sophie Tasias, directrice générale des services de la communauté urbaine du Havre Seine Métropole.
Avec cette nouvelle plainte déposée contre lui « pour les mêmes faits, et en choisissant semble-t-il d’en évoquer d’autres, la plaignante poursuit sa triste vendetta, qui n’a rien à voir avec le cri d’une lanceuse d’alerte mais tout à voir avec l’insatisfaction d’une haute fonctionnaire dont le contrat n’a pas été renouvelé »
, a fustigé le maire Horizons du Havre.
Une triste vendetta
Une triste vendetta
Édouard Philippe, maire Horizons du Havre
Les soupçons portent sur une convention d’objectifs pluriannuelle pour l’animation de la Cité numérique du Havre signée en juillet 2020 par Édouard Philippe, président de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, et Stéphanie de Bazelaire, en tant cette fois que présidente bénévole de l’association LH French Tech.
LH French Tech, créée en juillet 2020, a été désignée pour cette mission après un appel à manifestation d’intérêt lancé par la communauté urbaine en mars 2020 et dans le cadre d’un service d’intérêt économique général (SIEG). L’association, seule candidate, devait toucher 2,154 millions d’euros de compensation de service public pour mener des projets. Le conflit d’intérêt « semble absolument évident »
, considère Judith (le prénom a été modifié), qui a occupé le poste de directrice générale adjointe à la communauté urbaine de septembre 2020 à avril 2023.
« C’est le maire et son adjointe qui »
, en tant que présidente de l’association, « va avoir la main sur des sommes considérables »
pour « des activités qui peuvent concerner ses fonctions à la ville »
, dit-elle. Sur le moment, elle s’étonne qu’Édouard Philippe, conseiller d’État, n’ait pas suspecté d’irrégularités. Elle découvrira plus tard que les services juridiques avaient alerté en vain sur un possible favoritisme.
Judith avait dénoncé ces faits en septembre 2023 auprès du PNF, qui a ouvert une enquête et mené des perquisitions en avril 2024. « Beaucoup de temps est passé depuis les dernières évolutions. (…) J’ai l’impression que l’affaire n’avance pas. Je continue à subir les conséquences de mon alerte alors que je n’ai fait que mon devoir »
, estime-t-elle.
À la communauté urbaine, la Cité numérique est « tout de suite »
désignée à Judith « comme un dossier principal »
, relate-t-elle. Mais « dès les premiers mois »
, elle constate « une opacité dans la gestion de l’association »
et ne comprend pas son activité. On lui fournit « des réponses très vagues sur les dépenses, la trajectoire financière »
, lui reprochant « des velléités d’ingérence »
. Fin 2021, obtenant finalement des chiffres, elle découvre le « très faible niveau d’activité »
de la Cité numérique mais surtout « la masse salariale »
composée « de jeunes salariés »
qui faisaient « un peu tout »
pour « des salaires bruts au-delà de 60 voire 70.000 »
euros. Après ses alertes, la plaignante dit avoir été écartée et harcelée moralement. Son contrat n’a pas été renouvelé.
Une « tétanie » du PNF redoutée
La haute fonctionnaire, qui a obtenu le statut de lanceuse d’alerte en janvier, contesté par l’ex-chef du gouvernement, espère que cette nouvelle plainte, qui devrait entrainer la saisie d’un juge d’instruction, sera un « accélérateur »
. « Nous ne savons absolument pas dans quelle direction va s’orienter l’enquête »
actuelle du parquet financier, abonde Me Karsenti, redoutant « une tétanie »
du parquet national financier face à « un futur probable candidat à la présidentielle »
.
Les investigations sont « toujours en cours, avec l’exploitation des documents saisis en perquisition »
, précise une source judiciaire, rappelant le laps de temps écoulé, « un an après les perquisitions et 18 mois après le début de l’enquête »
. Les juges d’instruction devront « apprécier si un pacte a été conclu entre M. Edouard Philippe et Mme de Bazelaire, caractérisé notamment par un soutien politique, financier et relationnel en contrepartie de la gestion de la Cité numérique »
, est-il noté dans la plainte, consultée par l’AFP.