La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a débouté, jeudi 3 juillet, les 11 militants écologistes qui avaient formé un recours après leurs condamnations pénales pour avoir décroché et conservé les portraits du président Emmanuel Macron dans plusieurs mairies de France afin de protester contre son inaction climatique.
La Cour, qui siège à Strasbourg, a jugé que les poursuites pénales engagées après les actions commises par ces militants à Paris, La Roche-de-Glun (Drôme) et Lingolsheim (Bas-Rhin) en 2019 devaient être considérées « non comme revêtant un caractère dissuasif à l’expression de leur message, mais comme faisant partie de leur stratégie de communication ». Elle estime aussi que les condamnations prononcées, des peines d’amendes avec sursis allant de 200 à 500 euros, figurent parmi les « sanctions les plus modérées possible », et ne sont donc « pas disproportionnées ».
Les magistrats européens rappellent également que les tribunaux français avaient retenu, « pour fonder leurs condamnations, l’absence de restitution des portraits », estimant que le seul « décrochage » des photos du chef de l’Etat « aurait suffi par lui-même à l’expression du message » militant.
Une opinion minoritaire de deux des sept juges européens
Deux des sept juges européens ont cependant émis une opinion inverse, minoritaire, considérant que les condamnations prononcées à l’encontre des militants écologistes constituaient bien une violation de leur liberté d’expression.
« Nous estimons qu’il s’agissait simplement d’une performance politique de nature ironique. Selon nous, il est impossible de considérer le comportement des requérants comme un vol », écrivent dans leur avis le juge suisse Andreas Zünd et la juge tchèque Katerina Simackova. Ils estiment que les peines prononcées et leur potentielle inscription au casier judiciaire « revêtent un caractère dissuasif » à l’encontre des militants politiques, « qui peuvent être considérés comme les gardiens de la démocratie ».
« Il ne faut jamais se laisser décourager », réagit auprès de l’Agence France-Presse (AFP) l’une des « décrocheuses » du réseau Action non-violente COP21, Pauline Boyer, estimant que le message diffusé à l’occasion de ces happenings restait « malheureusement toujours valable, six ans après ». « Je fais de la désobéissance civile parce que je suis persuadée que c’est un poumon de la démocratie. Ce sont souvent les mobilisations citoyennes qui ont fait évoluer les lois. Aujourd’hui, ce n’est plus possible de voter des lois qui détricotent le droit de l’environnement et ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Nos actions sont nécessaires, et donc même si on perd devant la CEDH, ce n’est pas grave, on va continuer », assure la militante.
Elle a cependant exprimé un regret, également mentionné par les juges minoritaires : « Le fait de considérer que notre action est irréversible parce qu’on n’a pas encore rendu ces portraits, c’est une manière d’acter que la France ne va pas faire son travail en matière de protection du climat jusqu’à la fin du mandat d’Emmanuel Macron », déplore Pauline Boyer.
Une évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation
Mais, depuis les premières condamnations de décrocheurs, la Cour de cassation avait fait évoluer sa jurisprudence sans attendre la décision de la CEDH. Le 29 mars 2023, elle avait validé la relaxe prononcée à l’encontre d’un autre groupe de décrocheurs, relevant « l’absence d’atteinte à la dignité de la personne du président de la République » et rappelant que « les changements climatiques constituent un sujet d’intérêt général ». Elle avait aussi souligné la valeur modique du portrait, 8,90 euros (cadre non compris). Depuis, d’autres décisions de relaxe ont été prononcées dans des dossiers similaires.
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