Des dizaines de blessés gisant au sol dans des mares de sang ; des corps inanimés ou agités de soubresauts ; des soignants peinant à circuler au milieu de ce chaos. Ces images parviennent quasi quotidiennement de l’enceinte de l’hôpital Nasser, à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza. Depuis plusieurs semaines, les distributions d’aide alimentaire gérées par l’organisation privée américaine Gaza Humanitarian Foundation sont devenues un piège mortel pour les civils, et un flux continu de blessés déferle sur le plus grand centre médical encore opérationnel dans le Sud, où la majorité de la population gazaouie est désormais concentrée, déplacée de force par l’armée israélienne.
Il est 20 heures, lundi 30 juin, et le docteur Mohammed Sakr, directeur des soins infirmiers du complexe médical historique fondé en 1960, n’a pas quitté son poste depuis plus de dix-huit heures. « Je vis quasi ici désormais », dit-il au téléphone, le ton amer mais déterminé. Les autorités israéliennes interdisent l’accès de l’enclave à la presse internationale depuis le début de la guerre, déclenchée après l’attaque d’Israël par le Hamas, le 7 octobre 2023. A la tête de 800 soignants, il coordonne les opérations dans un contexte de guerre qui dure depuis vingt et un mois. « Quand il y a un afflux massif de blessés, comme en ce moment, si je ne suis pas là, on perd le contrôle. Ma famille me manque, mais je suis obligé de me sacrifier pour mes concitoyens. » Père de cinq enfants, il a déjà été déplacé trois fois, ses domiciles successifs ayant été bombardés.
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