Le Sénat a adopté, jeudi 3 juillet, une proposition de loi pour autoriser certains établissements, comme les boulangeries et les fleuristes, à faire travailler leurs salariés le 1er-Mai, Journée internationale des travailleurs, fériée et chômée en France. Dans un hémicycle dominé par une alliance entre la droite et les centristes, la proposition de loi portée par le patron de l’Union des démocrates et indépendants (UDI) Hervé Marseille et sa collègue Annick Billon a été adoptée en première lecture à 228 voix contre 112. Le texte est transmis à l’Assemblée nationale.
L’initiative, soutenue par le gouvernement et fustigée par la gauche et les syndicats, vise à étendre le périmètre des commerces bénéficiant d’une dérogation pour faire travailler leurs salariés, s’ils sont volontaires, pendant la fête du travail. Il pourrait ainsi s’appliquer, en plus des activités déjà concernées (hôpitaux, transports…), aux « commerces de bouche de proximité » (boulangeries, pâtisseries, boucheries… ), aux activités répondant à un « usage traditionnel propre au 1er-Mai », comme les fleuristes, ou encore aux établissements exerçant « une activité culturelle » comme les cinémas et les théâtres.
Le point de départ de la discussion remonte à la fin du mois d’avril, lorsque certains boulangers avaient dénoncé les contrôles inédits menés ces dernières années par l’inspection du travail auprès de plusieurs artisans. Car si eux sont autorisés à travailler, ils ont été épinglés pour avoir fait travailler leurs salariés durant cette journée fériée et chômée.
Ces chefs d’entreprise pointent une législation très floue, qui permet certes des exceptions, mais seulement dans les établissements qui « ne peuvent interrompre le travail », comme les transports, la sécurité ou les hôpitaux… C’est pour clarifier cette disposition que les sénateurs centristes, appuyés par le gouvernement, ont souhaité agir par la loi.
Cette proposition de loi « ne remet pas en cause l’existant », mais vient « combler une faille juridique, une insécurité qui pénalise des commerçants, des salariés, des territoires et certains de nos concitoyens », a insisté la ministre du travail Catherine Vautrin, qui soutient « pleinement » l’initiative.
Accusation de « Détricoter petit à petit le principe du 1er-Mai chômé »
Le texte centriste visait initialement à permettre aux établissements déjà autorisés à ouvrir le dimanche de pouvoir le faire le 1er-Mai. Mais dans sa version votée jeudi, il a été remanié et définit désormais précisément le périmètre des commerces bénéficiant d’une dérogation spécifique pour la fête du travail.
La mesure a offusqué l’ensemble des groupes de gauche au Sénat, qui ont échoué à faire adopter une motion de rejet du texte. La communiste Cathy Apourceau-Poly a accusé la majorité sénatoriale et le gouvernement de « détricoter petit à petit le principe du 1er-Mai chômé de manière à justifier demain sa remise en cause totale », estimant que ce texte impactera « 1,5 million de salariés ». « Votre objectif final est de voler un jour de congé aux salariés, car vous trouvez qu’ils ne travaillent pas suffisamment », a-t-elle déclaré durant les débats.
« Il va falloir nous expliquer en quoi le 1er-Mai, on ne peut pas se passer d’aller dans une charcuterie acheter du pâté, ou dans une boulangerie où l’artisan aura mobilisé sa horde de salariés », a pour sa part lancé la socialiste Monique Lubin.
« Pendant 40 ans, vous avez acheté du pain le 1er-Mai, vous avez acheté du muguet le 1er-Mai, sans que cela ne vous pose aucun problème », lui a rétorqué Annick Billon, dénonçant une attitude « caricaturale » de la gauche.
Si le patronat soutient cette modification juridique, les syndicats opposent eux une fin de non-recevoir en bloc : dans un communiqué intersyndical publié mardi, ils ont appelé les sénateurs à s’opposer au texte. « Remettre en cause le principe de cette journée, c’est remettre en cause 100 ans d’histoire de lutte sociale », écrivent ainsi CGT, CFDT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, Solidaires et la FSU.