Les habitants des petites maisons posées à même la plage de Babilonia, à Guardamar del Segura, dans le sud de la Costa Blanca, ont dû construire des digues de fortune devant leurs portes pour protéger leurs logements de la montée des eaux, provoquée par la construction d’une jetée plus loin. A Alicante, un peu plus au nord, l’édifice résidentiel Vistamar est si proche de la plage que, vue de loin, cette tour de brique et de béton de 39 étages semble baigner au milieu de la Méditerranée. Sur certaines fenêtres, on peut lire « SOS », car des tempêtes de plus en plus violentes, sous l’effet du changement climatique, menacent tout le quartier de l’Albufereta, construit dans les années 1960, au début du développement touristique de l’Espagne.
A Valence, le circuit de formule 1, inauguré en 2008 et supposé apporter une renommée internationale à la ville, est devenu une étendue de béton abandonnée, occupée partiellement par un bidonville où des jeunes désœuvrés jouent aux petites voitures. Quant au lotissement Ciudad Quesada, à Rojales, avec son parcours de golf au vert éclatant planté au milieu d’un panorama semi-désertique, il annonce aux investisseurs étrangers une « Spanish life for sale » (« vie espagnole à vendre »), malgré ses allures de ville fantôme.
Pour sa série « La idea de éxito » (« l’idée du succès »), le photographe et réalisateur espagnol Markel Redondo a parcouru la région de Valence entre 2020 et 2021, s’interrogeant sur le sens de ces paysages déprimés, pourtant perçus en leur temps comme des symboles de réussite et de progrès. « La Costa Blanca est peut-être la région qui incarne le mieux la volonté qui existe en Espagne de construire toujours plus, toujours plus haut, plus grand. C’est une idée de progrès mal comprise, qui exploite les ressources naturelles comme si elles étaient infinies et qui a donné lieu à beaucoup de corruption et de spéculation », souligne le créateur basque de 47 ans qui avait déjà abordé le rapport de l’homme au paysage urbanisé dans « Castillos de arena » (« châteaux de sable »).
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