Le Parquet national antiterroriste (PNAT) a annoncé, mercredi 9 juillet, avoir requis le renvoi en procès de six personnes, dont Abou Zayed, dans l’enquête sur l’attentat de la rue des Rosiers, qui avait fait six morts en 1982 à Paris.
D’après ces réquisitions, dont l’Agence France-Presse (AFP) a eu connaissance mercredi, le PNAT demande un procès devant la cour d’assises spéciale pour Abou Zayed, 66 ans, suspecté d’être l’un des tireurs et détenu en France depuis la fin de 2020, ainsi que pour Hicham Harb, 70 ans, qui aurait supervisé l’attentat et aurait été tireur, et pour Nizar Tawfiq Mussa Hamada, 63 ans, accusé d’avoir été l’un des exécutants et membre du commando.
Trois hommes risquent de leur côté un procès pour complicité d’assassinats : H. T., 65 ans, mis en examen en avril car soupçonné d’avoir caché des armes à l’époque, actuellement sous contrôle judiciaire et qui conteste les faits ; mais aussi Amjad Atta, âgé d’environ 72 ans, accusé d’avoir planifié l’attentat, ou encore Nabil Othmane, 72 ans, mis en cause pour la préparation concrète de celui-ci. Hicham Harb, Nizar Tawfiq Mussa Hamada, Amjad Atta et Nabil Othmane font l’objet de mandat d’arrêt. Les deux premiers sont localisés en Cisjordanie, tandis que la justice française situe les deux derniers respectivement en Jordanie et au Koweït.
Le PNAT relève que d’autres personnes ont pu être impliquées « à divers degrés », mais certaines sont mortes tandis que les charges se sont avérées insuffisantes pour d’autres. La décision finale sur un procès revient au juge antiterroriste saisi du dossier, qui doit rendre son ordonnance d’ici au début d’août. S’il la rend ultérieurement, Abou Zayed pourrait comparaître libre.
Procès attendu depuis plus de quarante ans
Le 9 août 1982, six personnes ont été tuées et 22 blessées dans l’explosion d’une grenade dans le restaurant Jo Goldenberg puis dans une fusillade, dans le quartier du Marais, perpétrée par un commando d’au moins trois hommes. L’attentat a été attribué au Fatah-Conseil révolutionnaire (Fatah-CR) d’Abou Nidal, groupe palestinien dissident de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).
Abou Zayed, principal suspect, risque un procès pour assassinats et tentatives d’assassinats. Il conteste les faits. Extradé de Norvège à la fin de 2020 et incarcéré, il est « expressément désigné comme l’auteur des assassinats et tentatives d’assassinats, de manière constante et concordante depuis près de quatorze ans par plusieurs témoins », même s’il est mis hors de cause par deux autres hommes, souligne le PNAT dans ses réquisitions.
Pour Romain Ruiz et Bruno Gendrin, ses avocats, « ce réquisitoire est un bricolage dangereux, fait de portraits-robots vieux de quarante ans, de témoignages incohérents et de notes de renseignements bancales. Le PNAT est manifestement prêt à sacrifier toute forme d’exigence probatoire pour obtenir un procès à tout prix ».
S’agissant d’H. T., le PNAT considère « démontré » qu’il a été « l’un des principaux responsables des caches d’armes à l’époque des faits ». Ses avocats, sollicités par l’AFP, n’ont pas fait de commentaire.
« Volonté de faire régner la terreur »
Le ministère public estime que les expertises menées ont souligné « la similarité parfaite » entre les armes et munitions retrouvées sur les lieux et au bois de Boulogne avec celles saisies « lors d’attentats formellement attribués à ce groupe terroriste à Londres, Rome, Athènes et Bruxelles ».
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L’attentat « relève sans conteste d’une volonté de faire régner la terreur », comme « en atteste l’acharnement du commando à faire le plus de victimes possibles dans un lieu touristique réputé fréquenté par la communauté juive française et internationale », insiste encore le PNAT.
« C’est un sentiment partagé pour les parties civiles aujourd’hui, entre l’immense soulagement de savoir que la République n’abandonne pas ses victimes, malgré les années passées, les errements de la justice et des politiques, et le regret de constater que c’est un procès incomplet qui s’annonce, avec plusieurs accusés réfugiés à l’étranger », a réagi auprès de l’AFP Romain Boulet, avocat d’une fille d’une victime.
Un autre avocat, Vincent Brengarth, a salué le « travail très minutieux accompli » et expliqué que son client, le fils d’une autre victime, « espère que le procès répondra à ses attentes ».