- Pour les Millennials, la quarantaine arrive (ou est déjà arrivée) à grands pas.
- Qui dit quatre décennies, dit crise de la quarantaine.
- Mais pour cette génération, cette remise en question existentielle sera bien différente.
Lorsqu’on imagine la crise de la quarantaine, on a l’image de cette personne qui remet tout en question et décide de tout plaquer pour recommencer sa vie à zéro. Cette notion de « middle life crisis » est apparue dans les années 60 sous la plume du psychologue canadien Elliott Jaques, qui a élaboré cette notion en 1963. La génération des Millennials va doucement entrer dans cette période charnière de la vie, mais pour ces nouveaux quadragénaires, la crise de la quarantaine sera bien différente de celle de leurs aïeux.
Les Millennials, une vie jalonnée de crises
Dans une étude menée par Thriving Center of Psychology,
81% des Millennials interrogés estiment qu’ils ne peuvent pas se permettre de tout envoyer valser. La crise de la quarantaine est un luxe qu’ils ne peuvent tout simplement pas se payer. Contrairement aux « boomers », les Millennials, eux, ont grandi dans un monde fragile marqué par l’instabilité économique. La chercheuse, docteure en sciences de gestion, Élodie Gentina (nouvelle fenêtre), nous explique : « C’est une génération qui a été frappée par la crise, voire par les crises de 2007 et 2018, crise des crashs boursiers, crise financière au début de leur vie active, ils ont plus de mal à accéder à la propriété et à une stabilité durable. Ce sont vraiment des marqueurs de cette génération-là
« . Des crises auxquelles on peut ajouter la pandémie de Covid-19 qui a mis à mal leurs ambitions. Résultat : les Millennials ont eu plus de difficulté à accéder à la stabilité, que ce soit dans le domaine professionnel, financier et même familial.
Et lorsqu’ils ont atteint cette stabilité, qu’ils sont parvenus à atteindre les « objectifs » et les étapes considérées comme étant des clés (CDI, mariage, achat immobilier…), ils se retrouvent coincés entre toutes les tranches de leur vie : « Cette génération Y, qu’on appelle aussi génération sandwich ou génération sacrifiée, est prise entre deux boulots : les parents et en même temps, le boulot et les enfants qui sont toujours à charge. Ce sont un peu comme des sandwichs d’autoroute, ils sont coincés entre toutes les tranches de leur vie. Ils doivent faire face à des injonctions, avec des arbitrages
« . Une étude de Santé publique France montre d’ailleurs que les adultes entre 40 et 55 ans sont prêts à assumer jusqu’à huit rôles simultanément : conjoint, aidant, professionnel, parent. Ce qui laisse peu de place au lâcher-prise et au pétage de plombs.
La crise de la quarantaine « plus silencieuse, plus culpabilisante »
Cela ne signifie pas, toutefois, que les Millennials quadragénaires n’auront pas de crise de la quarantaine. La sociologue nous rappelle que « tout le monde ne la vit pas de la même manière, il y a des intensités différentes
« . Cette période charnière est « une remise en question du milieu de la vie, que tout le monde traverse, un peu comme la crise de l’adolescence
« . Lorsqu’on arrive à 38/40 ans, on fait un premier bilan de sa vie. On se demande : « Est-ce que j’ai accompli ce que je voulais faire, est-ce que j’ai la vie que je voulais ».
Il y a, certes, une prise de conscience du temps qui passe, des doutes existentiels sur le couple, sur le travail, sur les choix effectués dans le passé, encore plus depuis la crise sanitaire. « Pour certains, ça va même beaucoup plus loin avec une envie de rupture et de changement radical avec des reconversions, des divorces, des voyages
« , indique Élodie Gentina. Néanmoins, « ce n’est pas une finalité ou une caricature, c’est plutôt une crise identitaire, un besoin d’alignement, de revenir à ce que l’on est et à ce qu’on souhaite pour les prochaines années
« .
Pour les Millennials, cette crise de la quarantaine sera « une crise silencieuse, interdite, plutôt une crise de contenu, de fatigue existentielle, de flou, qui va plutôt les ronger, les bouleverser, mais qui sera une crise moins visible que les générations précédentes parce qu’ils n’ont pas le luxe de lâcher-prise, parce qu’il y a une certaine obligation de stabilité pour la société actuelle
« . Elle estime que cette remise en cause est « un peu plus invisible et un peu plus culpabilisante que les autres générations
« , car ces quadras se disent : « Je dois construire ma vie, j’ai une carrière en phase de stabilisation, j’ai des jeunes enfants, des emprunts à rembourser, je n’ai pas les ressources accumulées par les générations précédentes »
. Surtout, cette génération sandwich est aussi coincée entre « la génération de boomer qui détient encore des leviers économiques et politiques et la génération Z qui est vachement plus radicale, créative et plus à l’aise avec l’instabilité
« .
