« Bienvenue au Las Vegas de Bosnie, on attire au moins autant d’attention [que la ville américaine]. » Mercredi 9 juillet, le maire de Srebrenica, Milos Vucic, manie une forme d’humour un peu spéciale, à deux jours des commémorations du 11 juillet qui doivent marquer les trente ans du génocide survenu en 1995 dans sa ville. Ce Serbe de Bosnie, par ailleurs cousin du président de la Serbie, Aleksandar Vucic, ne participera pas aux cérémonies prévues pour rendre hommage aux plus de 8 000 Bosniaques musulmans tués en quelques jours par les forces du général serbe Ratko Mladic, dans ce qui est considéré comme le pire massacre de civils commis en Europe depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
« Je n’ai pas été invité et je ne vois pas pourquoi je devrais y aller alors que mon adjoint [un Bosniaque] ne vient pas ici », explique cet élu de 37 ans, lors de la petite contre-cérémonie qu’il organise dans un quartier à majorité serbe de sa commune. Décorée de drapeaux serbes, se déroulant au rythme de l’hymne serbe, elle est dédiée aux seules victimes serbes de cette guerre qui fit en tout environ 100 000 morts entre 1992 et 1995. « Les Serbes ont été tués de façon beaucoup plus horrible que les Bosniaques, par exemple décapités, comme on le voit dans certains pays musulmans, mais est-ce que vous avez déjà lu quelque chose sur eux dans la presse internationale ? », s’indigne M. Vucic, en critiquant le supposé « deux poids, deux mesures » du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), qui a condamné définitivement M. Mladic en 2021 pour génocide.
Peu importe que les morts serbes commémorés mercredi par quelques dizaines de Serbes rassemblés autour du maire de Srebrenica n’aient pas péri à cette date précise ou que le commandant local des forces bosniaques, qu’ils accusent d’être responsable de leur mort, ait systématiquement été acquitté par la justice internationale et bosnienne, l’essentiel est d’afficher une contre-programmation en vue du 11 juillet, qui devrait attirer cette année des dizaines de milliers de personnes. Plusieurs hauts responsables européens, comme le président du Conseil européen, Antonio Costa, ou le ministre chargé de l’Europe français, Benjamin Haddad, sont attendus dans cette commune de l’est de ce pays des Balkans.
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