Si François Bayrou est parvenu à maintenir le secret sur les orientations retenues pour enrayer le déficit public, il n’aura pas empêché les différents partis de se positionner sur les pistes possibles, ni sur le destin politique de celui qui les porte. Alors que le premier ministre doit donner, mardi 15 juillet, les orientations pour le budget de 2026 et présenter un « plan de redressement » visant à économiser 40 milliards d’euros, chacun évoque déjà ses « lignes rouges ». La perspective d’une censure se dessine aussi de plus en plus, de La France insoumise (LFI) au Rassemblement national (RN).
« Le pays joue gros », résume le député « insoumis » Eric Coquerel, président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, au micro de RTL, pour qui le moment décisif surviendra à l’automne, lorsque François Bayrou « aura certainement besoin [du] 49.3 pour passer ce budget ». Une motion de censure suivra « vraisemblablement », a ajouté M. Coquerel, estimant que ce projet a encore révélé les limites d’un gouvernement qui « n’a pas de majorité et qui [a besoin des voix du] RN » pour passer ses lois. Mais « c’est ce budget que nous allons battre avant de battre François Bayrou », a-t-il insisté, appelant à « avoir le droit d’en débattre ».
Au Rassemblement national, qui se place en arbitre de la censure après avoir renversé le gouvernement Barnier en décembre, le député et membre de la direction du parti, Jean-Philippe Tanguy, a promis de faire tomber le gouvernement en cas de hausse d’impôts, voire d’« année blanche », une des hypothèses mise sur la table, qui gèlerait les dépenses publiques (hors défense) en 2026. Une autre manière, selon lui, « de piquer de l’argent aux gens ».
Année blanche
Le rendement de cette « année blanche », qui consiste à reconduire à l’identique certaines dépenses sans tenir compte de l’inflation, varie selon le périmètre retenu. Elle pourrait s’étendre au barème de l’impôt sur le revenu, voire mettre à contribution les retraités.
Les « lignes rouges » du RN, « c’est de faire contribuer les Français, leur demander des efforts qu’ils font déjà matin, midi et soir », a complété le vice-président du parti, Sébastien Chenu, sur BFM-TV/RMC. « Si vous demandez des efforts supplémentaires aux Français, quelles que soient les catégories, travailleurs, retraités, jeunes, fonctionnaires, nous dirons non », a-t-il insisté, appelant plutôt à s’attaquer aux « dépenses taboues de l’Etat » – « la contribution à l’Union européenne, la suradministration, l’immigration ».
Pour La France insoumise, l’année blanche serait « une année rouge pour les Français », a estimé le coordinateur du mouvement, Manuel Bompard. « Si vous gelez l’ensemble des prestations sociales, des pensions de retraite, ce sont des mesures qui vont avoir deux fois plus d’impact pour les 10 % des plus pauvres que pour 10 % des plus riches », avertit sur Franceinfo le député des Bouches-du-Rhône.
« Trouver un accord »
Pour le député (Eure, Parti socialiste) Philippe Brun, « ce qui serait inacceptable », c’est que « les plus riches (…) soient totalement exemptés d’efforts ». « Il faudra trouver un accord », précise toutefois le membre de la commission des finances sur Sud Radio, rejetant une censure automatique de la part de son parti.
La gauche appelle à s’appuyer plutôt sur la « taxe Zucman » sur les ultrariches, inspirée par l’économiste Gabriel Zucman, en prélevant 2 % par an de leur patrimoine, pour un rendement annuel de 15 milliards à 25 milliards d’euros par an. Un projet auquel s’oppose fermement le gouvernement, le taxant de « confiscatoire ».
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La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a, elle, invité le gouvernement à aller « chercher l’argent là où il est, à savoir dans la poche des actionnaires, des rentiers, des plus riches ». Sur France 2, elle a aussi appelé à « la transparence » et à une « évaluation » des aides publiques versées aux entreprises, pour les conditionner « d’un point de vue social et environnemental ».
A quelques heures de l’heure de vérité pour François Bayrou, qui s’exprimera à 16 heures pendant quarante-cinq minutes avant certaines de ses ministres, son socle de soutiens paraît plus friable que jamais.