- L’AFP a lancé un appel au secours pour ses journalistes pigistes présents à Gaza, qui subissent de plein fouet la faim qui sévit dans l’enclave palestinienne.
- Depuis plusieurs jours déjà, plusieurs reporters palestiniens partagent des messages de désarroi.
- La France affirme avoir « l’espoir de pouvoir faire sortir quelques collaborateurs de journalistes dans les prochaines semaines ».
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Israël veut prendre « le contrôle » de Gaza
Un cri d’alarme inédit. La direction de l’AFP a dénoncé lundi 21 juillet dans un communiqué la situation « effroyable »
de ses collaborateurs dans la bande de Gaza, dont la « vie est en danger »
, tandis que la Société des Journalistes (SDJ) de l’agence de presse prévient que « sans intervention immédiate, les derniers reporters de Gaza vont mourir »
. Depuis quelques jours, les messages désespérés circulent, publiés par des journalistes incapables de poursuivre leur travail, paralysés par la faim qui frappe l’enclave palestinienne (nouvelle fenêtre), en danger de famine selon l’ONU et des ONG, tandis que l’offensive israélienne se poursuit.
« Depuis que l’AFP a été fondée en août 1944, nous avons perdu des journalistes dans des conflits, nous avons eu des blessés et des prisonniers dans nos rangs, mais aucun de nous n’a le souvenir d’avoir vu un collaborateur mourir de faim,
alerte la SDJ dans un communiqué sur le réseau X. Nous refusons de les voir mourir. »
Au total, une pigiste texte, trois photographes et six pigistes vidéo collaborent avec l’agence de presse depuis le départ de ses huit journalistes salariés début 2024. « Avec quelques autres, ils sont aujourd’hui les seuls à rapporter ce qu’il se passe dans la bande de Gaza »
, insiste-t-elle, tandis que l’accès de la presse internationale au territoire palestinien (nouvelle fenêtre) est coupé par Israël depuis le 7 octobre 2023.
« Pour la première fois, je me sens vaincu »
Parmi eux, Bashar, 30 ans, qui est devenu principal photographe pour l’AFP depuis 2024. « Je n’ai plus la force de travailler pour les médias. Mon corps est maigre et je ne suis plus en capacité de marcher »
, a-t-il écrit sur son compte Facebook samedi, un message relayé par la SDJ. Passant d’un camp de réfugiés à l’autre, il « vit dans le dénuement le plus total »
depuis plus d’un an et travaille « en prenant d’énormes risques pour sa vie »
, relate le communiqué.
⚫️ La Direction de l’AFP partage l’angoisse exprimée par la SDJ quant à la situation effroyable de ses collaborateurs dans la bande de Gaza. Depuis des mois nous assistons, impuissants, à la détérioration dramatique de leurs conditions de vie. Leur situation est aujourd’hui… https://t.co/nVGgKyL4Cx — Agence France-Presse (@afpfr) July 21, 2025
« Dimanche matin, il a rapporté que son frère ainé était tombé, à cause de la faim »
, est-il précisé. « Pour la première fois, je me sens vaincu »
, a-t-il écrit ce jour-là, implorant que le président Emmanuel Macron « puisse (l)’aider à sortir de cet enfer »
. « Si cela continue pendant quelques jours,
on mourra tous de faim
(nouvelle fenêtre)«
, écrit également un autre journaliste sur les réseaux sociaux, dont l’identité a été floutée, dans une publication partagée par la SDJ.
Une autre collaboratrice de l’AFP, Ahlam, vivant dans le sud de l’enclave, continue de travailler tant bien que mal mais elle a confirmé un manque criant « de nourriture et d’eau »
. « À chaque fois que je quitte la tente pour couvrir un événement, réaliser une interview ou documenter un fait, je ne sais pas si je reviendrai vivante »
, a-t-elle déclaré, citée dans le communiqué.
Face à une situation « intenable », l’AFP tente de les faire évacuer
« Nous voyons leur situation empirer. Ils sont jeunes et leur force les quitte »
, s’alarme la SDJ. « Leurs appels au secours, déchirants, sont désormais quotidiens. Depuis quelques jours, nous avons compris de leurs brefs messages que leur vie ne tenait plus à grand-chose et que leur courage, consacré depuis de longs mois à informer le monde entier, ne les aidera pas à survivre »
, alerte-t-elle encore, craignant « d’apprendre leur mort à tout moment, et cela nous est insupportable »
.
La direction de l’AFP s’est jointe à cette « angoisse exprimée par la SDJ »
, quelques heures plus tard. « Depuis des mois nous assistons, impuissants, à la détérioration dramatique de leurs conditions de vie. Leur situation est aujourd’hui intenable, malgré un courage, un engagement professionnel et une résilience exemplaires »
, écrit-elle sur X. Elle souhaite faire évacuer ses collaborateurs pigistes et leurs familles, comme elle avait pu le faire avec ses salariés l’an passé, et « exhort(e) »
les autorités israéliennes à l’« autoriser »
. Leur travail « est capital pour l’information du monde »
, « mais leur vie est en danger »
, martèle-t-elle.
« Nous avons l’espoir de pouvoir faire sortir quelques collaborateurs de journalistes dans les prochaines semaines »
, a réagi ce mardi le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot sur France Inter, assurant y consacrer « beaucoup d’efforts et beaucoup d’énergie »
. Il a par ailleurs exhorté à ce qu’une «
presse libre et indépendante
(nouvelle fenêtre) puisse accéder à Gaza pour montrer »
ce qu’il s’y passe.
« Nous mourrons tous » : les appels désespérés se multiplient
Ces derniers jours, des messages désespérés d’autres journalistes palestiniens ont également circulé en ligne. « Ne soyez pas surpris si nous, les journalistes, cessons de couvrir l’actualité ici »
, a écrit vendredi dernier sur X (nouvelle fenêtre) le reporter Nahed Hajjaj, suivi par 255.000 personnes sur son compte Instagram, sur lequel il partageait de nombreuses images de Gazaouis émaciés (nouvelle fenêtre), certains déjà morts de faim.
« Je n’ai pas pu me lever à cause de la faim. Il n’y a rien à manger »
, a-t-il dénoncé, avant d’ajouter : « Nous mourons tous de faim. Nous mourons tous »
. « J’ai quitté la maison pour aller au marché chercher de quoi manger. Je n’ai rien trouvé. (…) Comment dire à ma mère qu’ils vont encore mourir de faim ce soir ? »
, s’est-il alarmé à nouveau le lendemain (nouvelle fenêtre), expliquant n’avoir pas pu « faire de journalisme »
ce jour-là non plus.
Below is a message from Anas Alshariff Al Jazeera journalist in Gaza. He, along with nearly two million Gazans, including women and children, are being starved under the draconian siege and ongoing bombardment by Israeli occupying forces. We call for immediate humanitarian aid… pic.twitter.com/4y046eHbcl — Al Jazeera PR (@AlJazeera) July 20, 2025
Le journaliste Anas Alshariff, qui couvre le conflit à Gaza pour la chaîne qatari Al Jazeera, a lui aussi confié être à bout de forces. « Je me noie
dans la faim
(nouvelle fenêtre), je tremble d’épuisement et je résiste face à l’évanouissement qui me guette à chaque instant. (…) Nous sommes en train de nous effondrer de l’intérieur. Gaza est en train de mourir… Et nous mourrons avec elle »
, a-t-il écrit dans un message relayé dimanche par son média, prévenant que « si le monde ne bouge pas aujourd’hui, demain il n’y aura peut-être plus personne qui attendra d’être sauvé »
. Le même jour, il avait partagé une vidéo de lui retenant ses larmes face à la caméra.
« Israël doit laisser la presse faire son travail et garantir son accès »
, a déclaré de son côté la commissaire européenne chargée de la gestion des crises, Hadja Lahbib, rappelant que les journalistes, comme les civils, « ne doivent pas être des cibles »
. Depuis le 7 octobre 2023, 209 journalistes ont été tués à Gaza, dans l’exercice de leurs fonctions ou à leur domicile, selon un bilan du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés, publié en avril dernier.