L’année 2025 est prolifique pour Etta Mae Hartwell. En quelques mois, la jeune chanteuse de soul a sorti deux albums et une compilation, disponibles sur les principales plateformes de streaming, comme Spotify, Deezer, Tidal ou Apple Music. Et sur YouTube, où elle accumule plus de sept millions d’écoutes, elle récolte des commentaires dithyrambiques. Mais quelque chose cloche. Sur un forum de discussion, un internaute émet des doutes : « Tidal m’a recommandé cette artiste hier, mais je ne trouve aucune info sur elle. Est-ce une vraie personne ? »
De fait, Etta Mae Hartwell n’existe pas. Sa voix – mais aussi les instruments qui l’accompagnent –, a été entièrement générée à l’aide d’un outil d’intelligence artificielle (IA) par Ersan Genç, un passionné résidant en Turquie. L’homme, qui cherchait initialement à « expérimenter pour le plaisir », gère d’ailleurs plusieurs musiciens fictifs du même genre, dont une autre chanteuse de soul anglophone nommée Layla Vaughn.
After Sundown, Appalachian White Lightning, Gate of None, Eurozia… En explorant les grandes plateformes de streaming, Le Monde a identifié plus de cinquante « groupes » susceptibles de générer leur musique à l’aide d’une IA. Dans la majeure partie des cas, il était impossible de contacter les personnes derrière ces « artistes », mais une demi-douzaine ont reconnu auprès du Monde recourir à une IA générative.
L’impact de Suno
Ce petit échantillon n’est qu’une goutte d’eau dans le flux ininterrompu des morceaux synthétiques qui déferlent actuellement sur les plateformes de streaming. Deezer, qui utilise un instrument interne pour les repérer, estimait en janvier l’arrivage quotidien à 10 000 morceaux. Il est aujourd’hui d’environ 20 000 nouveaux titres, juge la société française, soit 18 % de la musique mise en ligne chaque jour sur la plateforme.
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