Le premier usage du terme sitcom recensé par l’Oxford English Dictionary remonte à 1956. Le mot, composé des abréviations de situation et de comedy, apparaît dans la publication professionnelle d’Hollywood, Variety. Cinq ans plus tôt une situation comedy a réécrit les règles de la création et de l’économie du spectacle aux Etats-Unis, faisant de la télévision un médium culturel majeur, à défaut d’être respecté. Massif, influent, populaire, le phénomène I Love Lucy méritait bien un néologisme.
Pourtant, cette série, qui a permis au réseau CBS de prendre un avantage durable dans la compétition qui façonne le paysage télévisuel américain après la seconde guerre mondiale, n’est pas la première sitcom. Le format est né sans images, pendant l’entre-deux-guerres, à la radio. Formés à l’école de la scène, les comiques américains s’aperçoivent vite que, portées par les ondes, les blagues qui font leur fortune sur scène tombent à plat. Pour faire rire, il faut des personnages et – nous y sommes – des situations. Amos ’n’ Andy (deux chauffeurs de taxi noirs, joués par des acteurs blancs), Fibber McGee and Molly (tracas domestiques écrits et interprétés par un couple marié) atteignent des sommets de popularité.
Le succès commercial des récepteurs de télévision déclenche une ruée vers les contenus de divertissement, encore rares. Le jour de la première de I Love Lucy, le 15 octobre 1951, la station new-yorkaise de CBS propose, en journée, le débat des Nations unies autour de l’Iran. Les réseaux de télévision naissants se tournent vers les succès de la radio. Parmi ces derniers, My Favourite Husband (« mon époux favori »), dont la vedette est une actrice hollywoodienne, Lucille Ball. Elle est assez connue pour que le New York Times ait fait état, en 1940, de son mariage avec un chef d’orchestre né à Cuba, Desi Arnaz. Mais pas assez pour décrocher les premiers rôles de cinéma dont elle rêve.
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