Venue tout droit de Mars, une météorite d’environ 25 kg a été vendue le 16 juillet par la maison d’enchères Sotheby’s à un acheteur privé anonyme pour un montant record dépassant les 5 millions de dollars (environ 4,3 millions d’euros).
La vente de la plus grosse météorite martienne jamais retrouvée irrite le Niger, où elle a été découverte en novembre 2023 par un chasseur de météorites « dans la région reculée d’Agadez au Niger ». Le gouvernement a annoncé ouvrir une enquête suite aux enchères pour « faire la lumière sur cette affaire ».
Cette dernière présente « vraisemblablement toutes les caractéristiques d’un trafic international illicite », selon la capitale nigérienne, qui a suspendu vendredi 8 août les exportations de pierres précieuses et météorites jusqu’à nouvel ordre. Sotheby’s rejette les accusations et assure que la pierre a été « exportée du Niger et transportée conformément à toutes les procédures internationales en vigueur ». Cependant, face à la controverse, un réexamen du dossier est en cours.
Aucun statut juridique universel
Pour le paléontologue américain Paul Sereno, qui travaille depuis des années en étroite relation avec Niamey, tout laisse à croire que la pierre a quitté le Niger « dans l’illégalité ». « Tout le monde est anonyme » dans cette histoire. Vendue ensuite à un marchand international, elle fut brièvement exposée en Italie avant de se retrouver dans le catalogue de commissaires-priseurs aux Etats-Unis.
« S’ils avaient attrapé la météorite alors qu’elle fonçait vers la Terre et avant qu’elle n’atterrisse dans un pays, alors ils auraient pu la revendiquer (…) mais là, je suis désolé, elle appartient au Niger, même si son origine est Mars », souligne-t-il. Car les météorites ne disposent pas de véritable statut juridique universel, leur propriété est régie par le droit international et par celui spécifique de leur point de chute.
Valeur scientifique inestimable
Aux Etats-Unis par exemple, la propriété de ces pierres tombées du ciel revient au propriétaire du terrain s’il est privé, ce qui n’est pas le cas au Niger. Ce pays dispose d’une loi protégeant ses biens culturels, parmi lesquels les « spécimens rares » de minéralogie, relèvent Matthieu Gounelle, professeur au Muséum national d’histoire naturelle, et son père Max Gounelle, professeur des universités, tous deux spécialistes des régulations entourant la collecte et la vente de météorites. Pour eux, « il ne fait aucun doute (…) que les météorites doivent être incluses dans les spécimens rares de minéralogie » protégés.
Au-delà d’une passe d’armes juridique et de la possible implication d’un réseau de trafic, la vente de cette météorite soulève aussi des questions éthiques. Car cette roche, baptisée NWA 16788, est d’une valeur scientifique inestimable. Bien plus grande que les autres météorites martiennes – très rares – jusqu’ici recensées, elle offre un témoignage unique de l’histoire géologique de la planète rouge.
« A mon avis, ce n’est pas quelque chose qui devrait être vendu aux enchères et risquer de disparaître sous le manteau de quelqu’un », plaide le professeur Sereno, qui appelle à sa restitution au Niger, où elle pourrait être étudiée et exposée au public.