La décision de François Bayrou de suspendre l’existence de son gouvernement à un vote de l’Assemblée nationale laisse perplexe. Elle vient certes anticiper des motions de censure annoncées et périlleuses, mais elle se révèle plus incertaine encore dans la mesure où les conditions de majorité sont plus exigeantes quand la confiance est déclenchée par l’exécutif : majorité relative favorable dans un cas, majorité absolue défavorable dans l’autre. Et puis, en politique, le pire n’est jamais sûr.
Faut-il voir dans cette annonce un refus d’obstacle propre à la famille centriste, mal à l’aise dans cette Ve République faite contre elle ? Possible. Il y a certainement, également, une dimension plus personnelle de la part d’un homme plus habitué, depuis plusieurs décennies, à commenter la vie politique qu’à agir, usé par des controverses (affaire de Bétharram) et fragilisé par des échecs (le conclave sur les retraites).
Cependant, cette quasi-abdication, de la part d’une personnalité qui a théorisé de longue date un dépassement des clivages en appelant à une forme de concorde, laisse perplexe. La comparaison avec un Michel Rocard [1930-2016] est cruelle : là où le leader socialiste avait trouvé dans l’absence de majorité absolue matière à mettre en œuvre certains préceptes de la « deuxième gauche » (compromis, respect de l’opposition, implication des partenaires sociaux, contractualisation…), François Bayrou a échoué à fédérer véritablement la droite, à négocier durablement avec la gauche et à associer les partenaires sociaux.
Les préceptes d’Orelsan
On objectera que, depuis 1988, la vie politique s’est à la fois polarisée, fragmentée, et qu’elle souffre de l’affaiblissement des partis dont les chefs peinent à faire accepter des compromis à leur base ou même à leurs parlementaires. Et à deux ans de la présidentielle, les dirigeants de l’opposition se montrent soucieux de renforcer leur socle électoral en défendant leur intégrité doctrinale et stratégique.
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