Natalia Nagovitsyna semblait chaque jour un peu plus condamnée à un sort tragique. Les dernières nouvelles de l’alpiniste russe, bloquée depuis deux semaines à plus de 7 000 m d’altitude sur un sommet du Kirghizistan, n’incitent guère à l’optimisme. Mercredi 27 août, les autorités du pays ont annoncé n’avoir détecté aucune trace de vie lors du survol par un drone équipé d’une caméra thermique de la zone où Natalia Nagovitsyna s’était réfugiée dans l’attente de secours.
« Selon l’analyse des données obtenues et en prenant en compte une combinaison de facteurs, notamment les conditions météorologiques extrêmes et les spécificités de la zone, aucun signe de vie n’a été détecté à l’endroit où se trouve Natalia Nagovitsyna », a annoncé l’agence nationale de sécurité kirghize dans un communiqué.
Les opérations de secours avaient été suspendues samedi, les secouristes les qualifiant d’« impossibles » en raison de conditions extrêmes. Les températures frôlent actuellement les -30 degrés Celsius sur les parois du Jengish Chokusu (7 439 m) – appelé Pic Pobeda du temps de l’URSS –, accompagnées de rafales de vent et de tempêtes de neige.
Chevronnée, l’alpiniste de 48 ans avait, le 12 août, vaincu le toit du Kirghizistan, l’un des plus dangereux d’Asie centrale, surnommé le « congélateur » par les Soviétiques. Mais elle s’était cassé la jambe lors de la descente, moment critique des ascensions en montagne, à cause de la fatigue et des défauts d’attention. Abritée sur une petite vire vers 7 150 m par son compagnon de cordée, Natalia Nagovitsyna attendra, impuissante, de longues journées et nuits glaciales l’arrivée de secours.
Froid extrême
A cette altitude, l’espérance de vie dans le froid extrême et le manque d’oxygène n’excède pas quelques jours. Un drone avait permis de voir que la Russe était toujours vivante le 19 août, donnant de l’espoir aux personnes mobilisées pour la secourir. Mais plusieurs tentatives ont échoué. Deux alpinistes, un Italien et un Allemand, sont parvenus dans un premier temps à la joindre et à lui fournir tente, réchaud et nourriture dès le lendemain de sa blessure. Mais, à bout de forces, ils n’ont pas pu la redescendre avec eux. Luca Sinigaglia y laissera même la vie le 15 août, victime d’un œdème cérébral – il repose dans une crevasse à plus de 6 800 m d’altitude. Des secouristes italiens se sont rendus sur les lieux pour tenter de récupérer son corps, a annoncé le ministère italien des affaires étrangères.
Un hélicoptère de sauvetage de l’armée kirghize a par la suite eu un accident dans les montagnes, contraint à un atterrissage forcé à 4 600 m d’altitude (trois blessés). Le 20 août, un groupe d’alpinistes s’élance à son tour pour secourir Natalia Nagovitsyna, mais doit stopper son ascension vers 6 400 m à cause d’un grave malaise de leur chef. Avant que les autorités kirghizes finissent par annoncer l’abandon des recherches. Selon des alpinistes locaux, personne n’a jamais été secouru à une telle altitude dans cette montagne.
Les sauvetages couronnés de succès sont rares au-delà de 7 000 m. En Himalaya, deux sherpas sont parvenus en mai à redescendre sur leur dos une cliente chinoise jusqu’au camp IV de l’Everest, à moins de 8 000 m. Un exploit, presque une anomalie, dans la « zone de la mort » qui ne pardonne aucune erreur.