Identifier précisément qui détient la dette française relève du casse-tête. Lorsqu’ils sont émis sur le « marché primaire », les détenteurs de titres sont évidemment connus de l’Agence France Trésor (AFT), car leurs acheteurs sont les spécialistes en valeurs du trésor (SVT). En revanche, l’identité des détenteurs finaux reste souvent inconnue, car la loi leur interdit de rendre publiques ces informations afin de protéger le secret sur l’identité des créanciers.
Selon une enquête annuelle produite par le FMI, qui prend en compte non seulement la dette d’État mais aussi les avoirs de réserves et des organisations internationales, environ 7 % de la dette française serait détenus par l’Allemagne, 7 % par le Luxembourg et 5 % par l’Irlande. La présence de pays comme le Luxembourg et l’Irlande parmi les principaux détenteurs souligne les limites de ces données pour identifier précisément les détenteurs finaux, car ces paradis fiscaux et réglementaires sont connus pour attirer des acteurs financiers étrangers.
Contrairement aux actionnaires d’entreprises, dont l’identification est encadrée par la loi, les créanciers de l’État échappent à toute transparence. Une ordonnance de 2014, qui avait pourtant étendu le dispositif aux émetteurs obligataires, a expressément exclu les personnes morales de droit public. En d’autres termes, cela signifie que la France a choisi de ne pas s’appliquer à elle-même cette transparence qu’elle impose aux acteurs privés. L’Etat s’est volontairement privé de l’outil juridique qui lui aurait permis de connaître l’identité de ses prêteurs.
Cette opacité contraste par exemple avec la situation observée aux Etats-Unis, où le Trésor publie des données détaillées et régulières sur l’identité et la provenance géographique des créanciers.