L’association AC !! Anti-corruption a annoncé, vendredi 12 septembre, à l’Agence France-Presse (AFP) avoir déposé plainte contre la ministre du travail démissionnaire, Astrid Panosyan-Bouvet, à propos d’un redressement fiscal évité à une entreprise, qu’elle présente comme un « acte de gestion » justifié.
Le cabinet de Mme Panosyan-Bouvet a assuré qu’il s’agissait d’un « acte de gestion » par lequel « un ministre prend la responsabilité de combler un vide juridique ou d’une interprétation de la loi ». La ministre souligne qu’elle n’a « aucun lien ni de près ni de loin avec cette entreprise et son repreneur ».
La plainte contre X, dont l’AFP a obtenu une copie, dénonce plusieurs infractions possibles, comme la prise illégale d’intérêts, le détournement de fonds publics ou la concussion, mais aussi l’abus d’autorité, l’abus de biens sociaux ou la présentation inexacte des comptes annuels.
Le document mentionne notamment un redressement fiscal que Mme Panosyan-Bouvet aurait évité à la société Setforge, et ce possiblement contre l’avis de la justice, comme l’avait écrit Mediapart début septembre.
Sollicités, ni la société ni le Parquet national financier (PNF), destinataire de la plainte, n’ont répondu à l’AFP. D’après la plainte, l’Urssaf a engagé contre Setforge « un redressement significatif portant sur plusieurs exercices de cotisations sociales impayées. Ce redressement avait été notifié, accepté par les services compétents et était en voie de recouvrement. »
Mediapart soulignait que la décision aurait, en outre, fait l’objet d’une décision de justice défavorable à Setforge. « Or, contre toute attente, souligne AC !! Anti-corruption, la ministre du travail est intervenue personnellement pour faire annuler purement et simplement ce redressement. »
« Un effacement de dette sociale injustifié »
« Cette décision, prise sans base légale identifiable et contre l’avis des organismes chargés du recouvrement, a eu pour conséquence directe de soustraire à la Sécurité sociale des sommes qui lui étaient dues et de faire bénéficier Setforge d’un effacement de dette sociale injustifié », ajoute l’association.
Le ministère a renvoyé, vendredi, à sa réponse à l’article de Mediapart. Mme Panosyan-Bouvet y explique que sa décision « fait suite à une instruction de plusieurs mois et des vérifications fines de la situation de l’entreprise par les services de l’Etat ». Elle rappelle avoir été saisie par plusieurs responsables dont des représentants syndicaux, des élus ou le préfet.
L’entreprise aurait dû voir ses cotisations sociales majorées après la reconnaissance d’une exposition des salariés à l’amiante, souligne-t-elle. Elle explique avoir décidé de ne pas appliquer ce taux majoré, car elle n’utilisait plus l’amiante depuis 2021 au moins, qu’elle avait été rachetée par Setforge la même année, et qu’une augmentation de cotisation menaçait « la viabilité de l’entreprise » et sa centaine d’emplois.
La plainte porte, par ailleurs, sur la « disproportion manifeste » entre l’« activité réelle » de Setforge « et les masses financières qu’elle manipule ». Pour AC !! Anti-corruption, cette « société structurellement déficitaire et financièrement artificialisée a détourné ou employé de façon suspecte des financements publics et privés ».
« Quand nous voyons la situation de la France et surtout la situation de la Sécurité sociale, nous ne pouvons comprendre la décision d’une ministre, à contre-courant d’une décision de justice. Nous espérons qu’une enquête permettra de nous dire pourquoi une telle décision » a été prise, a déclaré Marcel Claude, président d’AC !! Anti-corruption, à l’AFP.