- Pour la rentrée scolaire 2025, la région Île-de-France a créé la polémique en développant sa plateforme de manuels scolaires numériques et en baissant ses subventions pour les manuels scolaires dans les lycées.
- Séverine Erhel, professeure des universités en psychologie du numérique, explique comment la science appréhende l’apprentissage par le papier, en comparaison avec le numérique.
- Si la chercheuse se positionne pour le maintien des manuels papier classiques, elle souligne les bénéfices que peuvent apporter les plateformes numériques, si elles incluent des enrichissements.
Les cours sans manuel scolaire ? C’est la polémique qui agite l’Île-de-France en cette rentrée 2025, nourrie par la publication d’une tribune signée par plus de 500 professeurs, écrivains et éditeurs dans Le Monde
le 2 septembre. En cause : l’ajout de nouveaux manuels « libres » sur une plateforme en ligne par la région, amenant à une cinquantaine le nombre de manuels numériques disponibles. Une décision prise, car les « trois quarts des manuels offerts par la région ne sont pas ouverts par les élèves »
, soulignait la présidente de la région, Valérie Pécresse, en conférence de presse fin août. À cela s’ajoute la baisse des subventions pour les manuels scolaires, qui complète ce cocktail explosif, faisant craindre aux enseignants la fin du manuel papier classique.
La lecture papier permet un meilleur apprentissage de l’information
Dans leur tribune, les éditeurs, professeurs et écrivains appelaient à « un moratoire sur les plateformes uniques, à une évaluation indépendante de leurs effets, à la reconnaissance du manuel – enrichi du numérique – comme colonne vertébrale de l’apprentissage »
. Pour TF1 Info, Séverine Erhel, professeure des universités en psychologie du numérique à l’Université Rennes 2, revient sur l’utilisation des manuels ou des plateformes numériques dans le cadre de l’apprentissage. « On peut citer une méta-analyse de 2018, publiée dans l’Educational Research Review, qui porte sur 54 études [effectuées auprès d’environ 170.000 lecteurs, ndlr] »
, explique la spécialiste. « De celle-ci ressort que la
lecture
sur papier est supérieure à celle sur écrans dans le cadre d’une lecture informationnelle, mais pas dans celle narrative (comme un roman par exemple). »
Cependant, si la chercheuse se dit favorable aux manuels papier, elle souligne cependant les avantages des plateformes numériques. « Une autre méta-analyse, qui en reprend elle-même 28 autres, a été publiée en 2024 par Michael Sailer. Elle nous apprend que, quand la technologie numérique se substitue aux méthodes conventionnelles, comme le manuel papier, et qu’elle n’y apporte aucune modification, alors aucun bénéfice notable ne peut en être tiré. Cependant, cette revue systématique montre aussi qu’une utilisation du numérique avec un soutien spécifique peut apporter des bénéfices. »
Séverine Erhel met en avant la possibilité pour les enseignants de faire des quiz, ou encore de faire des retours aux élèves sur leur performance sur la plateforme numérique (« pourquoi as-tu donné cette réponse ? »
, « tu as bien compris la leçon »
, etc.). Encore mieux selon la chercheuse : la création de nouvelles activités éducatives par les plateformes numériques, comme la possibilité de collaborer ou d’annoter à plusieurs les contenus.
Formation des enseignants aux plateformes numériques : un besoin crucial selon Séverine Erhel
« Il serait dommage de supprimer les supports papier, mais il est tout autant dommage de considérer ces plateformes numériques comme inintéressantes. Ce n’est pas manichéen, elles peuvent proposer un enrichissement complémentaire aux méthodes pédagogiques plus conventionnelles »
, résume Séverine Erhel, qui se dit pour l’utilisation du manuel classique avec le numérique en complément. Elle souligne cependant l’importance de former les enseignants aux plateformes numériques, et que ces derniers ne se retrouvent pas « au pied du mur »
. « Une technologie intervient dans un écosystème, elle doit y être intégrée avec un accompagnement, et non de force. Dans le domaine de l’éducation, les apprenants ont besoin de guidage, de retours… Les manuels papiers sont essentiels mais les activités interactives proposées par ces plateformes sont aussi de bons leviers pour l’apprentissage. »
