L’impact de l’intelligence artificielle (IA) sur les milieux professionnels est aujourd’hui l’objet d’une intense production éditoriale. Avec, au cœur de nombre d’ouvrages parus, les conséquences des avancées technologiques sur l’emploi.
Dans son nouvel essai, Un taylorisme augmenté (éd. Amsterdam, 192 pages, 13 euros), le sociologue du travail Juan Sebastian Carbonell a décidé d’emprunter une autre voie d’étude, en se concentrant sur l’impact de l’IA sur le quotidien des travailleurs. Comment évolue l’organisation du travail, les conditions d’exercice, mais aussi l’autonomie dans la réalisation des missions ? Quid des tâches effectuées et des savoirs mobilisés ?
Pour l’auteur, le constat est sombre. Au fil de cet ouvrage critique, il explique pourquoi l’IA est « un outil de dégradation du travail entre les mains des entreprises », s’apparentant à un « taylorisme augmenté ». A ses yeux, l’intelligence artificielle tend à « simplifi[er], standardis[er] ou parcellis[er] » des métiers, indépendamment du niveau de qualification exigé pour les exercer. Des préparateurs de commandes peuvent en subir les conséquences, des oncologues également.
Dans le même temps, d’autres principes fondamentaux du taylorisme tels « l’étude du temps pris par chaque opération ou le chronométrage » peuvent être mis en œuvre – en particulier pour les travailleurs des plateformes numériques – au même titre que divers processus de surveillance.
Surtout, le cœur du travail peut être bouleversé en profondeur, en raison de ce que M. Carbonell nomme une « dépossession machinique ». S’intéressant à l’impact de l’IA générative sur des professions qualifiées, il montre ainsi qu’elle prive les travailleurs « des gestes créatifs de leur métier et les réduit au rôle d’“appendices”. En d’autres termes, elle n’est pas [à leur] service (…) et ne les libère pas des tâches monotones et peu intéressantes ; ce sont les travailleurs qui sont mis à son service ».
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