- Des publications sur les réseaux sociaux affirment que des scientifiques souhaitent délibérément propager des tiques, dont les morsures rendent allergiques à la viande, pour lutter contre le changement climatique.
- Il s’agit en réalité de l’interprétation trompeuse d’un article universitaire.
Suivez la couverture complète
L’info passée au crible des Vérificateurs
L’arrivée de l’automne ouvre la saison des balades en forêt. Les tiques viennent parfois gâcher ces promenades. Les morsures de ces petites bestioles peuvent transmettre des maladies. Selon cette publication sur X (nouvelle fenêtre), elles pourraient même provoquer « une allergie mortelle à la viande rouge »
. Et pour lutter contre le changement climatique, « des universitaires »
voudraient « délibérément propager des tiques porteuses de maladies pour empêcher la consommation de viande »,
peut-on lire dans la publication. Les Vérificateurs se sont penchés sur ces affirmations.
Il existe bien un article (nouvelle fenêtre)publié dans la revue académique mensuelle, évaluée par des pairs, Bioethics, en juillet 2025 (nouvelle fenêtre). Il est signé par Parker Crutchfield (nouvelle fenêtre) et Blake Hereth (nouvelle fenêtre), tous les deux enseignants à l’Université de Western Michigan. Ils sont spécialistes en éthique et philosophie, et non médecins infectiologues spécialistes de tiques. Une nuance qui a son importance pour comprendre leur article et les interprétations trompeuses qui en ont été faites.
Le papier en question est une joute philosophique, un exercice de raisonnement éthique, qui prend pour exemple un réel syndrome. Les deux chercheurs étudient « l’argument de la convergence »
.
Leur étude se concentre sur ce principe : « si x empêche le monde de devenir un endroit bien pire, et ne viole aucun droit, et promeut des bonnes actions, alors il est moralement obligatoire de faire x »
. L’exemple choisi est celui d’une tique qui provoquerait des allergies à la viande rouge. La propagation de cette tique permettrait donc de réduire la consommation de viande, ce qui aurait des effets bénéfiques pour la planète, sans faire de mal. Serait-il pour autant philosophiquement éthique de faire une telle chose ? C’est justement la question posée par les chercheurs. Blake Hereth s’est aussi déjà demandé par exemple si l’on pouvait philosophiquement et éthiquement justifier le renforcement militaire (nouvelle fenêtre).
Suite à des interprétations trompeuses de leur travail et à la polémique suscitée en ligne, les chercheurs ont affirmé au média étudiant The College Fix (nouvelle fenêtre), qu’ils ne préconisent pas la propagation intentionnelle de la maladie transmise par les tiques. Parker Crutchield précise au journal qu’il n’est par ailleurs ni végétarien, ni végétalien et que sa seule intention était de poser « un cadre éthique hypothétique pour générer une discussion »
.
Cet article n’étudie donc pas les réels impacts de la consommation de viande sur le changement climatique, n’estime pas à quel point la propagation de tiques qui peuvent causer des allergies à la viande permettrait de réduire la consommation, et ne préconise à aucun moment de réellement propager des tiques. Il s’agit de philosophie et non d’arguments ou de recommandations scientifiques.
Un syndrome réel, mais rare
Ce qui est vrai, en revanche, c’est que des morsures de tiques peuvent bien rendre allergique à la viande. Il s’agit du syndrome alpha-Gal, transmis par certaines tiques principalement présentes sur le continent américain, dont l’amblyomma americanum, plus connue sous le nom de « tique étoilée ». En 2025, Centers for Disease Control and Prevention (CDC) (nouvelle fenêtre) estime que 450.000 personnes pourraient être concernées aux États-Unis, contre quelques dizaines de cas recensés il y a quinze ans.
En France, le nombre de cas reste « anecdotique »
selon le Dr Alice Raffetin, infectiologue et coordonnatrice du Centre de Référence des Maladies Vectorielles à Tiques, à Paris. « Le croisement avec la salive de ces tiques va être responsable lorsqu’on mange de la viande de mammifères, de la viande rouge, de symptômes allergiques chez certains patients qui peuvent aller du syndrome léger, comme une douleur abdominale, à des symptômes très sévères allergiques comme un œdème de Quincke voire un choc anaphylactique »,
nous explique la spécialiste.
La réaction allergique peut se manifester 2 à 8 heures après la consommation de viande rouge. Le syndrome est encore mystérieux. « Des études sont en cours pour savoir pourquoi certains patients vont avoir un épisode allergique unique, et vont par la suite remanger de la viande rouge, et n’auront plus de réaction allergique, tandis que certains vont avoir une récidive des manifestations allergiques à chaque ingestion de viande rouge »
, souligne le Dr Raffetin.
D’autres pathologies, comme la maladie de Lyme, peuvent être transmises par les tiques. Mais il ne s’agit en aucun cas de « manipulation et d’introduction récente de pathologies »
, explique le Dr Raffetin, qui rappelle également que « les tiques existent depuis l’époque des dinosaures ».
Selon la spécialiste, les « théories farfelues »
autour des tiques viennent de l’aspect « mystérieux »
de ces acariens qui « font partie du monde sauvage »
. L’experte est formelle : la théorie de la propagation volontaire d’une maladie vectorielle « pour modifier les comportements humains »,
et les rendre végétariens, « ne tient pas la route »
.
Des réflexes pour éviter les tiques
« Pour les tiques, l’être humain est un hôte accidentel. Elles n’ont pas besoin des humains pour vivre. Si on attrape ces maladies, c’est parce qu’on va sur le lieu de vie des tiques, elles ne sont pas dans nos appartements »
, rappelle le Dr Raffetin. Même en cas de morsure, il y a 95% de chances que vous n’attrapiez aucune maladie, selon la spécialiste. Il n’y a donc aucune raison de paniquer, mais de simples gestes peuvent vous protéger.
Lors d’une balade en forêt, pensez à ne pas sortir des sentiers battus, à mettre des pantalons et des vêtements couvrants, avec vos chaussettes par-dessus le pantalon. Vous pouvez également vous équiper de répulsifs pour la peau des zones découvertes, et d’un tire-tique.
Vous souhaitez nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N’hésitez pas à nous écrire à l’adresse [email protected]. Retrouvez-nous également sur X : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.