- Outre les ordures locales, l’Indonésie reçoit chaque année des millions de tonnes de déchets qui ne sont pas recyclés dans les pays occidentaux, dont la France.
- Ces importations, illégales et dangereuses, causent le développement d’une véritable économie de la misère dans l’archipel.
- Une équipe de « Sept à Huit » s’est rendue sur place pour rencontrer les travailleurs de ces décharges à ciel ouvert.
Suivez la couverture complète
Sept à huit
Des déchets macérant au soleil par milliers, à perte de vue. Des effluves pestilentielles et des mouches s’agitant autour des détritus. Chaque jour, Erwin, 14 ans, retrouve ce triste décor. Malgré son jeune âge, l’adolescent travaille dans cette immense décharge du sud de Jakarta, la capitale de l’Indonésie. Accompagné de son beau-père Sadraï, il recherche les morceaux de plastique parmi l’amas d’ordures, qui s’étend sur une surface de la taille de Paris. Armés de piques à brochettes, tous deux ramassent les débris de ce matériau pour ensuite les revendre à un grossiste.
Pour survivre, ils doivent collecter au minimum 80 kilos de plastique par jour. « La première fois que je suis venu ici, l’odeur m’a rendu malade
« , raconte Sadraï face à la caméra de « Sept à Huit », dans le reportage, diffusé dimanche dernier sur TF1, à retrouver en tête de cet article. Il est à peine 10 heures, mais le mercure affiche déjà 35 degrés. « Avec la chaleur, c’est épuisant
, confirme Erwin. Et parfois, il y a tellement de mouches que je ne peux pas ouvrir les yeux.
» Tous les jours, 7.500 tonnes de déchets sont déposées dans cette décharge municipale. Comme Erwin et Sadraï, ils sont plus d’un millier à les trier. Femmes, enfants, vieillards… Leur présence est illégale, mais tolérée.
Les familles qui vivent de cette activité habitent à quelques dizaines de mètres du site, dans un immense bidonville où même les jouets des enfants proviennent des ordures. Après avoir perdu son travail comme manutentionnaire dans un port, Sadraï a déménagé ici il y a cinq mois, avec sa femme et leurs quatre enfants. « Tout ce que je voulais, c’est qu’Erwin aille à l’école, pour que son futur soit différent du mien
« , explique la mère de famille, les larmes aux yeux. « Au fond de lui, je sais qu’il aimerait étudier, et être comme les autres enfants. C’est comme ça, on n’a pas le choix. Je ne peux pas exaucer ses vœux, j’en suis incapable. Quel genre de mère serait heureuse de voir son enfant dans cette situation ?
«
Une pollution aux conséquences sanitaires désastreuses
Dans l’archipel, plus de 3,5 millions de personnes vivent de l’économie informelle du plastique. Dans la ville portuaire de Surabaya, des centaines de conteneurs arrivent chaque jour de pays occidentaux, notamment de France. Officiellement, ils sont remplis de cartons recyclables – les seuls déchets autorisés – pour être ensuite transformés en pâte à papier dans d’immenses usines. Mais, à l’intérieur de ces ballots de carton, on trouve 10 à 30% de plastique. Le tri n’a pas été fait correctement en amont, l’opération étant jugée trop coûteuse par les entreprises occidentales.
Pour se débarrasser de ces résidus de plastique après un premier tri, les usines font appel aux habitants les plus pauvres. Dans un village situé à quelques heures du port, une famille s’est fait livrer trois tonnes de déchets. Patiemment, Souwati, la grand-mère, aidée d’une cousine, va séparer les lanières plastiques du carton, qui sera ensuite étalé pour chasser l’humidité. « Ce n’est pas un travail facile
, souligne la vieille dame. Mais il n’y en a pas d’autre
« . Pour traiter ces trois tonnes, il faudra quinze jours de travail. Une fois cette tâche terminée, un grossiste vient acheter le carton trié. « 1 kilo, c’est 85 centimes
« , indique ce revendeur à Souwati. Et le plastique restant ? Jeté dans la nature, à l’entrée du village.
Cette pollution détériore l’environnement, mais aussi la santé des populations locales. Près de huit millions de tonnes de déchets plastiques finissent dans la nature chaque année en Indonésie. L’eau consommée par les habitants de ces zones est parfois souillée. En buvant ou en mangeant des animaux contaminés, des microplastiques peuvent donc se retrouver dans leurs organismes. Les premiers touchés sont les enfants, plus vulnérables. Arki, le petit-fils de Souwati, est très malade depuis une dizaine de jours. « Je peux à peine le toucher
, témoigne sa mère. Il a mal au ventre et ses jambes le démangent en permanence.
» Après des examens à l’hôpital, les médecins concluront que la pollution plastique était bien à l’origine de ces infections.